Bienvenue dans la newsletter Impact – votre guide de la révolution féministe. Cette semaine, nous vous emmenons célébrer des moments de joie queer en Inde avec un reportage de Poorvi Gupta. Pas le temps de tout lire ? Voici la newsletter en bref : Les festivals peuvent être des moments de solitude pour les personnes queers en Inde, souvent confrontées à des discriminations de la part de leurs familles biologiques. Mais des groupes LGBTQIA+ se rassemblent pour inventer de nouvelles façons de célébrer, avec leurs familles choisies. Nous vous emmenons à l’un de ces rassemblements pendant Holi, un festival des couleurs pour marquer l’arrivée du printemps, à New Delhi. Pour ne rien manquer de l’actualité de l’égalité des genres, suivez-nous sur Instagram et LinkedIn. Vous pouvez lire cette newsletter en ligne ici : https://lesglorieuses.fr/queer-en-inde/ ![]() Danser, aimer, exister : queer et libres pendant les festivals en Inde Par Poorvi Gupta Par un jour de printemps à New Delhi, au cœur de la verdure du célèbre jardin Lodhi, un petit groupe se réunit autour d’un festin de nourriture et de boissons pour célébrer le festival hindou de Holi. De l’extérieur, la rencontre ressemble à n’importe quelle fête, mais il s’agit en réalité d’une nouvelle vague de célébrations queers d’Holi qui émergent dans la capitale indienne et dans d’autres villes du pays, et qui permettent aux participant·es de passer les fêtes en sécurité avec leur famille choisie. Holi est une explosion de couleurs. Pendant cette joyeuse fête, qui marque le retour du printemps, empreinte de symbolique culturelle et mythologique, les gens se jettent de la poudre et de l’eau colorée dans la rue – parfois avec consentement, mais le plus souvent sans. Le festival se veut un moment de joie collective partout dans le pays, mais pour les personnes queers et pour les femmes, elle peut devenir synonyme de harcèlement, voire de violence. En 2023, une vidéo devenue virale montrait une touriste japonaise être agrippée et bousculée par un groupe d’hommes pendant Holi. La vidéo avait déclenché un débat sur la présence d’hommes qui utilisaient les festivités comme prétexte pour harceler. Pour beaucoup de personnes LGBTQ+ en Inde, les réunions de famille pendant les festivals sont synonymes d’invisibilisation ou de rejet explicite de leurs identités queers. Beaucoup de personnes gay, bi ou trans doivent choisir entre sortir dans les rues en cachant leur identité ou rester à la maison et rater les festivités. C’est pour cela que l’organisation QConnect a organisé cette célébration. ![]() Des festivaliers et festivalières célèbrent Holi à Guwahati, en Inde. Photo par David Talukdar/NurPhoto via AFP “On voulait voir des personnes queers à l’extérieur, pas enfermées dedans. On voulait amener leur existence dans l’espace public plutôt que d’être cachées derrière des portes closes. C’est pour ça qu’on a décidé de le faire dans un parc public”, explique Shashank Kashyap, un·e membre active de Qconnect. Saurav Verma, qui est non-binaire et queer, raconte que fêter Holi avec Qconnect lui a permis d’éviter la dissonnance cognitive qu’iel ressent généralement en passant les fêtes à la maison avec sa famille biologique. “J’étais enthousiaste de ne pas avoir à cacher mon identité – ce que j’aurais dû faire si j’étais resté·e chez moi”, iel explique. La dernière fois qu’iel avait fêté Diwali en famille, ses parents avaient essayé de “corriger” avec des rituels ce qu’ils voyaient comme une configuration astrologique défavorable. Un·e voisine l’avait outé·e et, sur les conseils d’un prêtre, Verma avait été baigné·e dans l’eau du Gange et forcé·e d’offrir une idole de serpent en argent à une rivière pour être “guéri·e”. “Les gens se moquent de moi à cause de ma féminité, et ils veulent m’enfermer dans une binarité dans laquelle je n’ai pas ma place”, iel raconte. Les fêtes sont souvent des moments de solitude pour les communautés LGBTQIA+ en Inde, explique Gunjan Chandak Khemka, psychothérapeute. “La solitude est encore plus forte pour les personnes queers et trans, car leur perception d’elles-mêmes entre en conflit avec ce que la société leur renvoie – surtout pendant les fêtes, parce que nos rituels sont très genrés”, affirme la praticienne. “Les vécus de genre existent sur tout un spectre, mais les fêtes sont souvent très monochromes et binaires dans leur nature.” Bharti, originaire de la ville de Faridkot dans le Pendjab, connaît trop bien ce sentiment. Depuis qu’elle a fait son coming out lesbien il y a quatre ans, elle retourne rarement dans sa ville natale en raison du mépris qu’elle y subit. Sa famille n’accepte ni elle, ni la personne avec qui elle partage sa vie, qui est trans. “En 2021, j’ai fêté mon premier Diwali avec ma compagne loin de chez moi. On a juste commandé à manger, nos familles nous ont énormément manqué, mais y retourner était impensable : iels nous ont manqué de respect et nous ont insultées”, raconte-t-elle. Biraja Nandan Mishra, qui est non-binaire, raconte qu’iel se sent souvent “invisible” pendant les fêtes. Mishra se souvient d’un été, pendant le festival Raja – trois jours consacrés à la célébration de la féminité et de la fertilité – où iel voulait porter un sari. “Je l’ai fait, et j’ai vite compris que je ne pouvais pas m’exprimer librement devant ma famille élargie, ils étaient tellement choqués. Il y avait quelque chose de viscéral, presque dans l’air, qui me disait que je ne pouvais pas m’exprimer comme je le voulais.” “Je crois qu’à travers les festivals, on nous apprend aussi à être un homme ou une femme”, iel avance. Le mois des fiertés donne également à la communauté homosexuelle de l’Inde l’occasion de faire la fête. Photo : Dibakar Roy/Pexels : Dibakar Roy/Pexels. En plus de se retrouver entre familles choisies pendant les fêtes traditionnelles, les personnes queers inventent aussi de nouvelles occasions de célébrer en dehors du calendrier traditionnel. En juin, le Mois des fiertés devient une occasion de mettre à l’honneur les identités queers, et le 6 septembre – date anniversaire de la décision historique de la Cour suprême qui a décriminalisé l’homosexualité en 2018 – est devenu une journée de célébration annuelle au sein des communautés queers et trans. Kabir Mann, un homme trans, considère cette décision comme un tournant historique. “Chaque année, en septembre, je ressens une joie immense”, raconte-t-il. “Juste de me rappeler que ça s’est passé de notre vivant, c’est plus fort qu’une fête.” Au jardin Lodhi, l’un des plats proposés était le malpua, un pancake frit trempé dans du sirop. C’est un dessert bourré de nostalgie pour Saurav Verma. “Ça m’a rappelé qu’on en mangeait toujours pendant Holi. Alors quand je suis rentré·e chez moi, je me suis préparé du malpua pour moi-même”, raconte Saurav Verma. C’est dans ce mélange entre traditions anciennes et nouvelles formes de célébration que les personnes queers en Inde inventent leurs propres manières de vivre les festivals — en espérant laisser derrière elles la solitude qui entoure trop souvent ces moments. Pour Saurav Verma, “Holi a été vraiment joyeuse cette année”. – Poorvi Gupta est journaliste indépendante à New Delhi — Megan Clement est la rédactrice en chef de la newsletter Impact. Si vous souhaitez nous contacter en lien avec les sujets abordés dans cette newsletter, vous pouvez nous écrire à l’adresse : [email protected]. ![]() À propos de nousImpact est une newsletter hebdomadaire dédiée aux droits des femmes et des minorités de genre dans le monde entier. Vous aimez la newsletter ? Pensez à faire un don. Votre soutien nous permettra de financer cette newsletter et de lancer des nouveaux projets.
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