Mercredi 15 Mai 2019
La vague conservatrice américaine continue de bafouer les droits fondamentaux des femmes à disposer de leurs corps. La Géorgie est le quatrième Etat cette année à rendre l’avortement illégal après six semaines. Cela s’appelle la « loi des battements de coeur ». Si un·e médecin peut déceler un battement de coeur chez le foetus, généralement à six semaines, la femme ne peut plus avorter. Cela signifie également que si elle fait une fausse couche, la police (???) peut enquêter pour vérifier qu’elle n’a pas eu recours à un avortement illégal. En pratique, cette loi ne sera pas effective avant 2020 et il y a de fortes chances qu’elle soit remise en cause d’ici là.
C’est une question de symbole.
Et c’est pour cela que l’actrice Alyssa Milano a proposé d’y répondre symboliquement. Dans un tweet, elle appelle à la grève du sexe : « Nos droits reproductifs sont en train d’être bafoués. Tant que les femmes n’auront pas le contrôle légal de leurs corps, nous ne pourrons tout simplement pas risquer une grossesse. REJOIGNEZ-MOI en ne couchant pas [avec des hommes] jusqu’à ce que nous retrouvions notre autonomie sur nos corps. J’appelle à une grève du sexe. Passez le mot ».
Les réactions ne se sont pas faites attendre. A commencer par la mienne, dans ma tête : « Encore une femme blanche qui n’a rien
compris au combat féministe ». Celle de Marlène Schiappa, « Le sexe n’est pas un service que l’on rend à quelqu’un. Faire la grève du sexe c’est aussi se priver soi-même. […] Il est temps de considérer que les femmes aussi ont droit à une sexualité libre et épanouie et de cesser d’envisager la sexualité des femmes comme quelque chose qui aurait pour but d’être agréable pour… les hommes ! ». Puis de nouveau la mienne : « Hein???? Mais ce n’est absolument pas en vertu de la liberté à coucher que cette grève du sexe est problématique ! ». Et pour cause, la politologue Camille Froidevaux-Metterie souligne dans un thread Twitter que cette réaction invisibilise le fait qu’un avortement peut être le résultat d’un viol, que la contraception est du seul ressort des femmes (ce serait donc uniquement aux femmes d’agir en conséquence, hello vasectomie), ou encore que le sexe est uniquement lié aux relations hétérosexuelles.
Ce n’est pas la première fois que cette méthode de résistance non violente est évoquée par des femmes pour arriver à leurs fins. A commencer par Lysistrata, dans l’imaginaire d’Aristophane. Dans cette comédie antique, une jeune athénienne, Lysistrata propose aux femmes du Péloponnèse de faire la grève du sexe pour forcer leurs amants et leurs maris à mettre fin à une guerre qui n’en finit pas. Les femmes doivent prêter serment : « Aucun amant ni aucun époux ne pourra m’approcher. Je mènerai chez moi une vie
chaste vêtue de robe légère, et parée afin d’exciter les désirs de mon époux. Jamais je ne m’y prêterai de bon gré. Et s’il me prend de force… je ne ferai rien que de mauvaise grâce et avec froideur, je n’élèverai pas mes pieds au plafond. Je ne m’accroupirai pas comme la figure de lionne qu’on met sur les manches de couteau. Puissé-je boire de ce vin, si je reste fidèle à mon serment ! Si je l’enfreins, que cette coupe se remplisse d’eau ! ». Je le rappelle, il s’agit d’une comédie. Et ça marche. En quelques mois, la guerre est finie, Lysistrata louée par toutes et tous et tout va pour le mieux dans le Péloponnèse.
Cette idée a été
reprise dans une réalité qui confère peu de pouvoir aux femmes. En 1997, le Général colombien Manuel Bonnet a appelé les femmes hétérosexuelles à l’abstinence pour arriver à un cesser le feu entre l’armée, les trafiquants de drogue et les guérillas. En 2008, à Naples, en Italie, les femmes ont menacé de faire la grève du sexe au Nouvel An si les hommes ne prenaient pas des mesures pour empêcher les feux d’artifices de faire des victimes. Au Kenya, en 2009, des femmes ont organisé une grève du sexe d’une semaine pour forcer le Président et le Premier Ministre (alors fâchés l’un contre contre) à trouver des solutions concrètes pour éradiquer la pauvreté et la corruption. Fait notable, les activistes ont offert aux travailleuses du sexe
une compensation financière durant cette semaine. Ces quelques exemples montrent que 1) les hommes peuvent être (sont?) des enfants qui ne réagissent que lorsqu’on leur enlève leur jouet 2) les femmes ont si peu de pouvoir politique qu’elles sont obligées de faire une grève du sexe pour être entendues.
Et ce n’est pas tout. L’actrice et activiste Alyssa Milano détaille les raisons de son appel dans une tribune sur CNN. « Une grève du sexe (#SexStrike) est un moyen d’attirer l’attention des hommes cisgenres hétérosexuels afin qu’ils ressentent les conséquences physiques de la suppression de nos droits reproductifs. Cette forme de protestation a le potentiel de soulever la question bien au-delà des groupes habituels engagés dans des débats sur la santé reproductive. C’est un moyen de déclencher une conversation et d’aider tout le monde à comprendre la gravité de la situation et le besoin immédiat d’agir rapidement ». L’appel de Milano montre que les grands absents des combats
féministes sont … les hommes. Même ceux qui clament haut et fort qu’ils sont plus féministes que la sorcière qui est en train de brûler sur le bûcher. Surtout eux d’ailleurs. Car on a beau répéter à toutes les personnes qu’on rencontre que ce combat n’est pas celui d’un sexe contre un autre, les femmes sont quand même très seules à se battre pour les droits reproductifs et pour l’égalité.
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