Les entreprises surveillent nos vagins : attention, ceci n’est pas un exercice ; par Rebecca AmsellemMercredi 24 avril 2019 Je me souviens de mes premières règles. Ma mère les avait accueillies avec joie. Elle m’avait invitée au restaurant pour « fêter ça ». D’un moment de honte, je suis passée à une fierté immensurable. S’en est suivi un moment très solennel. Elle m’a invitée à son bureau, a ouvert son agenda, a pris un de ses gros marqueurs et a indiqué à la date clé un « R » encerclé. R pour règles. Dès lors, chaque mois, je comptais 28 jours pour écrire ce « R » encerclé, que je raturais souvent pour l’avancer Elle est bien pratique cette app qui nous permet de calculer le premier jour du prochain cycle menstruel, n’est-ce-pas ? Celle qu’on regarde pour vérifier que, oui, nous sommes bien dans une période de syndrome pré-menstruel et que non, nous n’avons pas décidé de calquer notre nouvelle personnalité sur celle de Cruella d’Enfer version « je-tue-des-petits-chiots ». « Votre vagin a été numérisé. Tout comme vos ovaires. Tout comme vos règles. » raconte Arwa Mahdawi, chroniqueuse de « The Week in Patriarchy », la newsletter féministe du Guardian. C’est indéniable, ces applications sont vraiment pratiques. En un coup de pouce, nous avons accès à une information qu’on calculait trois ou quatre fois par cycle ou qu’on recherchait souvent vainement dans notre agenda papier. Néanmoins, mal intentionnées, ces applications deviennent de véritables outils de « surveillance menstruelle ». Nous y indiquons la durée de nos cycles, nos douleurs ressenties, nos humeurs mais aussi nos projets de grossesses voire même la date de nos rapports hétérosexuels. Ces applications connaissent tout – ou presque – de nos Le scandale Ovia Health « Ovia Health » est une société de production de trois applications, Ovia fertility, Ovia pregnancy et Ovia parenting, qui « aide les femmes et les familles à naviguer dans leurs moments les plus importants avec des solutions personnalisées et fondées sur les données pour la fertilité, la grossesse et la parentalité. » Ovia Health, fondé par trois hommes et une femme, est une des applications médicales les plus téléchargées aux États-Unis aujourd’hui. Son modèle économique est en partie fondé sur la vente des données personnelles des utilisatrices à leurs entreprises. Ainsi, une entreprise peut avoir accès à votre cycle menstruel, votre suivi de grossesse, ou Ovia Health n’est pas seule L’enquête du Monde parue en 2017 conclue qu’une des applications les plus sécurisées semble être Flo. Sauf qu’en février dernier, une enquête du Wall Street Journal a démontré que Flo, créé par deux hommes, Dimitry et Yuri Gurski, vendait les données personnelles de ses utilisatrices à… Facebook. L’application Glow, fondée par l’Ukrainien Max Levchin, « a mis à jour ses systèmes en 2016 après que le « Consumer Reports » ait constaté que toute personne pouvait accéder aux données de santé d’une femme, notamment si elle avait eu un avortement ou la dernière fois qu’elle avait eu des rapports sexuels, à la seule condition de connaître son adresse e-mail » (Washington Que nous reste t-il donc ?
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