La fin du droit patriarcal sur le corps des femmes dès le premier jour, une conversation avec l’écrivaine Reni Eddo Lodge sur les utopies féministes, la nuance et pourquoi les personnes trans sont nos alliées naturelles dans la cause.
La Méthode est un podcast documentaire en six épisodes. C’est une ambition intellectuelle, celle de sortir du carcan cartésien pour définir un nouveau paradigme féministe. Concrètement, je vais essayer de répondre à une question : comment créer une utopie féministe ? Et pourquoi pas une seconde question, allez : comment réalise-t-on une utopie ? Ecoutez La Méthode sur Apple Podcasts, Spotify, Deezer, Amazon Music, Google Podcasts, Castbox, Acast Et c’est même possible d’écouter les six épisodes en anglais (Do You Speak Feminist Revolution English ? Ok, je sors), Apple Podcasts, Spotify, Deezer, Castbox, Acast…
Vous entendrez notamment les témoignages des philosophes françaises Geneviève Fraisse et Manon Garcia. De la leadeuse argentine du mouvement Ni Una Menos, Veronica Gago. L’autrice anglaise Reni Eddo-Lodge. L’avocate pakistanaise et américaine, Rafia Zakaria. La chercheuse canadienne, carla bergman et son coauteur, Nick Montgomery. La vidéaste politique américaine Natalie Wynn. La politologue française Réjane Sénac. L’ingénieure en aérospatiale et militante italienne Yuri Silvia Casalino. Et la romancière américaine Sarah Schulman. Le podcast La Méthode a été coproduit avec le studio de podcast Louie Media. Chaque semaine, pendant six semaines, il est accompagné d’une interview d’une des intellectuelles avec qui j’ai échangé pour ce projet. Aujourd’hui, nous retrouvons l’essayiste Reni Eddo-Lodge. Reni Eddo-Lodge est une autrice britannique, elle a notamment écrit Le racisme est un problème de Blancs (Editions Autrement), livre vendu à des centaines de milliers d’exemplaires dans le monde depuis sa parution.
Pour plus de clarté la conversation a été éditée, la traduction est de Stephanie Williamson et la version originale, en anglais, peut être lue en bas de cette newsletter.
Rebecca Amsellem – Avez-vous déjà réfléchi à la notion d’une utopie féministe ?
Reni Eddo Lodge – Étant donné que je viens d’un milieu plutôt de gauche et que je suis une penseuse et une penseuse critique, cela implique d’être dans une tradition de réflexion et de critique. Je ne dis pas que c’est une mauvaise chose. Il y a beaucoup de récits dominants dans ce monde qui doivent être critiqués et remis en question. Mais parfois, on peut s’enliser tellement dedans que cela nous empêche d’avoir une quelconque vision des choses. Je pense que mon travail le plus réussi est sans aucun doute un travail de critique, et il
n’y a qu’un petit peu de vision là-dedans. Certaines des premières lectures que j’ai faites lorsque j’ai commencé à m’impliquer dans et à m’intéresser au féminisme, il y a une dizaine d’années, visaient à créer une vision de ce que cela signifie pour les femmes d’avoir des rapports sexuels d’une manière libératoire, qui ne soit pas toujours liée au mal qui nous est fait ou à la résistance. Cela peut être un peu difficile pour celles et ceux d’entre nous qui ont évolué dans un espace de critique. Nous critiquons les récits dominants. Nous nous critiquons les uns les autres, et c’est très bien, mais cela peut nous empêcher de penser de manière un peu plus visionnaire. Je me souviens qu’il y a un passage dans Why I’m No Longer Talking to White People About Race (Le racisme est un problème de Blancs), où je parle du fait que beaucoup de ces hiérarchies dominantes dans notre société sont des choses qui ont été créées, et nous pouvons en créer de meilleures qui serviront à beaucoup plus de monde qu’elles ne le font maintenant. J’ai l’impression que parfois, en particulier dans le domaine de l’antiracisme, mais le féminisme en souffre également, nous pouvons avoir une perspective un peu fataliste et penser que ces choses sont très rigides. Je pense que le mouvement critique sur le genre dans le féminisme – on les appelle les féministes radicales excluant les personnes trans – est une sorte de fatalisme, un véritable attachement à un binaire, un sentiment que ces choses sont inamovibles. Et je pense que parfois l’antiracisme peut être victime de cela. Je ne peux donc pas dire que j’ai vraiment consacré l’ensemble de mon travail à une pensée créative et visionnaire. Mais j’essaie toujours de saupoudrer cette façon de penser à travers ce que je crée, parce qu’évidemment nous héritons de l’état du monde. Nous héritons de l’état de la situation.
Rebecca Amsellem – Que pensez-vous des gens qui disent que le féminisme est partout mais d’une manière superficielle ?
Reni Eddo Lodge – J’ai l’impression que, en tant qu’activistes, écrivain.e.s, penseu.rs.ses, on devient un peu trop à l’aise avec le fait qu’on se trouve dans
une position marginalisée, au point qu’on est tellement habitués à ne pas être écoutés que lorsqu’on l’est, on se dit, « punaise, qu’est-ce que je dois faire maintenant ? » J’ai pensé à cela lorsque les actrices de Hollywood participaient au movement « Time’s Up » sur le tapis rouge. Je me souviens avoir lu toutes les critiques, et je me suis dit : « Attendez une minute, ne voulions-nous pas changer le monde ? » C’est la raison pour laquelle je me suis impliquée dans tout ça. Je voulais vraiment changer le narratif. Je voulais changer la façon dont les gens pensaient à ces sujets. Et en fait, nous avons fait du bon travail. C’est bien que ce soit désormais un sujet courant. J’ai une sœur de
15 ans. J’étais en train de discuter par vidéo avec elle hier, et elle m’a dit que son amie à l’école est en train de lire mon livre. Et j’aurais aimé à 15 ans avoir accès à une œuvre comme celle-là. La saturation inévitable signifie donc que nous atteignons beaucoup plus de monde beaucoup plus tôt. Je pense que c’est une bonne chose. Et nous nous concentrons davantage sur ce genre de choses plutôt que sur la façon dont les entreprises tentent de diluer le message. Nous pouvons alors nous rappeler qu’en fait, un travail de fond a été effectué par de nombreux activistes, écrivains et penseurs différents. Et cela a atteint un point de basculement où c’est un peu partout. Une chose que je pense est aussi un peu anxiogène pour ceux d’entre nous dont les positions ont été marginalisées pendant si longtemps, c’est que cette popularisation signifie une perte de contrôle, comme une perte de contrôle sur le message, une perte de contrôle sur les façons dont il est repris et dont le flambeau est repris. J’ai fait la paix avec le fait que les seules choses que je contrôle ce sont les choses dans lesquelles je m’implique, la façon dont je communique mon travail, la façon dont j’écris, la façon dont je parle. Je me souviens que peu de temps après la sortie de mon livre, des gens sont venus me voir et m’ont demandé ce que je pensais du fait que certains individus utilisaient mon livre à des fins qu’ils jugeaient infâmes. Quelqu’un
m’a raconté qu’il avait été dragué par un Blanc sur Tinder, qui parlait du fait qu’il avait lu mon livre. Pour être honnête avec vous, je ne vais pas m’énerver là-dessus, car ce n’est pas de mon ressort. Ce sera profondément inconfortable de perdre le contrôle sur la façon dont le travail dans lequel nous avons été impliqués est perçu. Mais pouvez-vous imaginer que cela se soit produit il y a dix ans, que quelqu’un utilise une œuvre féministe ou antiraciste comme technique de drague ? C’est vraiment, encore une fois, un testament aux progrès qui ont été faits au cours de la dernière décennie. Et plus un mouvement prend de l’ampleur, plus il se dilue. Mon livre Why I’m No Longer Talking to White People About Race s’est vendu à un million d’exemplaires. On en est arrivé au point où des stars de la téléréalité en parlent, c’est une bonne chose. Je ne vais pas m’en détourner car cela signifie que la star de la téléréalité parle de mon livre dans un magazine à potins. Quand j’avais 14 ans, je ne lisais pas la théorie féministe, je lisais des magazines à potins. Ce serait donc génial si une jeune de 14 ans aujourd’hui achetait ce magazine à potins et entendait la star de la téléréalité parler de mon livre.
Rebecca Amsellem – Quel était le meilleur résultat que vous pouviez espérer
en écrivant Why I’m No Longer Talking to White People About Race ?
Reni Eddo Lodge – Beaucoup de gens m’ont posé cette question à l’époque, et je ne voyais pas vraiment plus loin que la date de publication en termes d’objectif ou de résultat. En regardant en arrière maintenant et surtout en pensant aux mouvements dans lesquels j’étais impliquée, je voulais changer la perspective de la gauche blanche sur le racisme. J’en avais absolument marre de côtoyer de nombreux Blancs engagés dans l’activisme progressiste. Le racisme ne semblait pas être une priorité pour eux, et ils ne voyaient pas en quoi cela était problématique.
Rebecca Amsellem – Et il y a quelque chose que vous avez écrit dans le livre que j’ai trouvé vraiment frappant, surtout en ce qui concerne l’Utopie. Vous dites que le féminisme blanc en soi n’est pas particulièrement menaçant, mais c’est le seul type de féminisme qui est diffusé et considéré comme universel. Vous avez donc écrit ce livre il y a dix ans, et depuis, beaucoup de choses se sont passées, notamment au sein du féminisme blanc. Pensez-vous qu’il a évolué dans le bon sens ?
Reni Eddo Lodge – J’ai eu ma propre expérience personnelle du féminisme blanc, j’ai été directement brûlée.
J’en ai parlé dans le livre, au chapitre 5. J’ai été accusée d’être une intimidatrice par des femmes britanniques blanches engagées dans le féminisme. Même si des excuses ont été présentées, je ne trouve pas ça étonnant que le comportement de ces femmes à traiter des femmes noires ait évolué vers un mouvement qui est très hostile envers les femmes transgenres. Je ne pense pas que ce soit une coïncidence.
Rebecca Amsellem – Vous souvenez-vous du moment où vous avez réalisé que les mouvements de gauche étaient tellement blancs qu’ils n’incluaient pas le problème du racisme dans leurs réflexions ?
Reni Eddo Lodge – J’ai toujours eu cette pensée au fond de mon esprit lorsque j’ai commencé à m’impliquer dans le féminisme et le militantisme de gauche en général. J’allais à des conférences féministes au début des années 2010 et elles parlaient de race. Elles parlaient de comment les femmes musulmanes sont oppressées parce qu’elles s’habillent d’une manière qui ne leur plaisait pas [aux féministes]. Le mouvement de gauche au sens large avait une compréhension assez sophistiquée des inégalités économiques, mais n’avait aucune compréhension du racisme. J’en suis arrivée à un point où j’ai décidé que je devais commencer à contester cela. C’est alors que j’ai
trouvé des groupes de femmes de couleur et de femmes noires. Je gravitais naturellement vers elles et nous en parlions entre nous.
Rebecca Amsellem – Parlons de la nuance. Appliquez-vous la nuance comme méthodologie à votre façon de penser féministe ?
Reni Eddo Lodge – Il est important, dans une certaine mesure, d’avoir une certitude solide lorsqu’il s’agit de définir un problème. Je pense que nous voyons à nouveau cette rigidité, principalement dans l’itération populaire du mouvement critique sur le genre, parce que beaucoup des voix les plus fortes de ce mouvement ont tendance à appartenir à des personnes blanches. J’ai vu ce même niveau
de rigidité dans le mode de pensée précédent de ce qui est devenu ce mouvement. Je pense qu’il y avait cette espèce de féminisme radical qui était très persuasive quant à l’idée, par exemple, que les femmes constituent une classe sociale basée sur le sexe. Et je pense que pour ceux d’entre nous qui viennent de la gauche et qui connaissent un peu le marxisme, cela peut être attrayant et constituer une perspective intéressante du patriarcat. Mais plus je me suis intéressée au féminisme noir, plus je me suis rendu compte que ce féminisme radical avait une optique trop rigide, car toutes les femmes n’y sont pas confrontées. Oui, toutes les femmes se heurtent à la misogynie et au sexisme, quelle que soit la culture de leur classe. Mais je ne suis pas dans la même classe qu’une femme blanche britannique qui descend de la noblesse terrienne. C’est aussi simple
que cela. Je me souviens avoir écrit dans le livre, dans le chapitre sur les classes sociales, que d’où je viens, l’image d’une personne de la classe ouvrière est très probablement d’une mère célibataire noire vivant dans un lotissement, vivant dans la pauvreté. Et elle est confrontée non seulement à la misogynie et au sexisme, mais aussi au racisme et au classicisme. Tout cela influence la façon dont elle navigue dans le monde qui l’entoure et les obstacles auxquels elle est confrontée. Et elle n’est pas confrontée aux mêmes obstacles qu’une femme blanche dont le père est PDG et qui appartient à la classe moyenne ou supérieure. Elle ne l’est tout simplement pas. Certaines branches du féminisme sont très attachées à une sorte de pensée binaire rigide qui est en conflit avec une approche intersectionnelle. Le féminisme noir est un fondement de la nuance. Il apporte une base de nuance à ma compréhension de l’inégalité d’une manière qu’un certain type de féminisme rigide – certains auraient pu le qualifier de radical il y a quarante ans – ne peut pas le faire. Je n’essaie pas de rabaisser les féministes qui ont eu ces idées, car elles ont fait de grandes choses pour les femmes à l’époque. Mais par exemple, je ne suis pas d’accord avec les choses comme le lesbianisme politique. C’est une idée homophobe. C’est décider qu’on va tout simplement se séparer des hommes cisgenres afin d’éviter le sexisme. D’avoir des relations sexuelles qu’avec des femmes et aimer que des femmes. Mais c’est méprisant envers les femmes qui
sont réellement queers ou lesbiennes, et aussi envers celles d’entre nous qui sont attirées par les hommes. Et le féminisme noir m’a aidée à comprendre et m’a amenée au féminisme queer. Je pense que c’est simplement cette compréhension de l’intersectionnalité. Elle m’a aidée à comprendre, par exemple, comment l’homophobie se croise avec le sexisme, ou comment la classe sociale se croise avec le sexisme, toutes ces choses. Pour moi, il s’agit simplement d’une approche intrinsèquement nuancée.
Rebecca Amsellem – C’est la philosophe Simone Weil qui a dit que le désir de penser sans nuance nous éloigne constamment de la vérité. « On en est arrivé à ne presque plus penser, dans aucun domaine, qu’en prenant position “pour” ou “contre” une opinion.
Ensuite on cherche des arguments, selon le cas, soit pour, soit contre. C’est exactement la transposition de l’adhésion à un parti. » Selon Weil, les partis politiques ouvrent la voie, car ils contrôlent le pouvoir et eux seuls sont les bénéficiaires de la pensée nuancée. « Les institutions qui déterminent le jeu de la vie publique influencent toujours dans un pays la totalité de la pensée, à cause du prestige du pouvoir. » Elle poursuit : « Comme, dans les partis politiques, il y a des démocrates qui admettent plusieurs partis, donc même dans le domaine des opinions les gens larges reconnaissent une valeur aux opinions avec lesquelles ils se disent en désaccord. C’est avoir complètement perdu le sens même du vrai et du faux. D’autres, ayant
pris position pour une opinion, ne consentent à examiner rien qui lui semble contraire. C’est la transposition de l’esprit totalitaire. » Pouvons-nous reconquérir le droit d’être nuancé ? D’hésiter ? Ou même de dire que nous sommes passés d’une opinion à une autre ?
Reni Eddo Lodge – J’ai lu hier un blog très intéressant de la penseuse Sara Ahmed, elle a écrit un post intitulé Gender Critical = Gender Conservative. Cette rigidité, ce binaire extrême, ce manque de nuance est ce sur quoi les hiérarchies dominantes prospèrent. Elles sont issues d’une perspective qui cherche à définir l’identité de personnes situées plus bas dans la
hiérarchie. Et cette perspective est créée d’une manière vraiment rigide qui ne nous permet pas notre humanité. Il est donc intéressant de voir qu’il existe des branches de féminisme engagées dans cette rigidité et ce manque de nuance. Et cela attire beaucoup d’attention en ce moment. Je dois soulever ce point en tant que Britannique. Je trouve ça embarrassant que la Grande-Bretagne soit un hotspot mondial pour ce type de politique féministe en ce moment. Il y a actuellement une énorme vague de pensée et d’écriture anti-trans qui vient de la Grande-Bretagne. Par exemple, nous avons une femme britannique, qui est probablement l’une des autrices les plus connues au monde et qui écrit des articles anti-trans. Le Royaume-Uni est un foyer pour cela. C’est très décevant pour
moi, car en tant que personne qui s’est lancée dans le féminisme parce que j’en avais marre des rôles de genre, je considère les personnes trans comme des alliées naturelles dans ce projet.
Rebecca Amsellem – À quoi ressemble l’utopie féministe pour vous ?
Reni Eddo Lodge – Il y a un travail de fond incroyable qui se fait actuellement autour de la reconfiguration de la façon dont nous traitons le mal dans notre société. Et ce serait formidable de voir certaines de ces initiatives prospérer et s’épanouir. Je dirais que mon utopie féministe consisterait essentiellement en un travail d’intervention précoce qui bouleverserait
complètement, par exemple, le droit patriarcal sur le corps des femmes dès le premier jour. Comme je l’ai dit plus tôt dans notre conversation, je pense que la violence sexuelle est une chose qui touche toutes les femmes, trans, cis, quel que soit le milieu social d’où on vient, c’est quelque chose qui nous touche toutes. Les violeurs et les personnes qui commettent des violences sexuelles ne sont pas des monstres. Ce sont des gens de notre société. Ce sont vos frères, vos maris et vos fils. Et nous devons commencer par ça.
The end of patriarchal entitlement over women’s bodies from day zero, a conversation with writer Reni Eddo Lodge on feminist utopias, nuance and why trans people are our natural allies in the cause.
Rebecca Amsellem Have you ever thought about the notion of feminist utopia ?
Reni Eddo Lodge Being a person who has come from a background of being on the left, like being a thinker and critical thinker, it does involve being in a tradition about criticism and critique. I’m not saying that’s a bad thing.There are a lot of dominant narratives in this world that need to be critiqued. But sometimes we can get so bogged down in that, that it stops us from having some vision. I think
that my most successful work is definitely a work of critique, and there’s only a little bit of vision in there. Some of the earliest readings I did when I first started getting involved and interested in feminism, this was a decade ago, were trying to create a vision of what it means for women to be engaged in sex in a liberatory way, that wasn’t always about the harm being done to us and resisting. It can be a bit of a challenge for those of us who have come up in a space of critique. We critique dominant narratives. We critique one another, and that’s all well and good, but it can get in the way of thinking a little bit more visionary. I do remember there’s a passage in Why I’m no longer talking to white people about race, where I talk about the fact that a lot of these dominant hierarchies in our society are things that people made, and we can make better ones that serve far more people than they do now. I feel like sometimes as well, particularly in antiracism but feminism is suffering from this as well, we can have a bit of a fatalistic view and think about these things as being very rigid. I think the gender critical movement in feminism, some might call them trans exclusive radical feminists, that speaks me of a kind of fatalism, a real sticking to a binary, a feeling that these things are immutable. And I think sometimes antiracism can be a bit conform victim to that. So I can’t say that I’ve ever really dedicated the whole piece of work to creative and visionary thinking. But I always try to pepper it through, I suppose, because obviously we inherit a state of the world. We inherit a state of play.
Rebecca Amsellem What do you feel about people saying that feminism is everywhere but in some kind of superficial way ?
Reni Eddo Lodge I feel like, as activists, writers, thinkers, we can get a bit too comfortable being in a marginal position, to the point where we are so used to not being listened to that when we are being listened to, it’s a bit like “oh, my God, what am I supposed to do with this?”. I thought about this when Hollywood actresses were doing « Time’s up » on the red
carpet. I remember seeing all the critique, and I was, « Hang on a minute, Did we not want to change the world? That’s the reason I got involved in this. I really wanted to change that in the narrative. I wanted to change the way that people were thinking about these issues ». Actually, we did a good job. It’s good that it’s mainstream. I have a 15 year old sister. I was just video chatting with her yesterday, and in school, her friend is reading my book. And I wish that as a 15 year old, I had access to a piece of work that was like that. So the inevitable saturation means that we get through to far more people a lot earlier. I think that’s a good thing. And we focus more on that kind of thing rather than how corporations are attempting to water down the message. Then we can remind ourselves that actually a lot of groundwork has been done by lots of different activists and
writers and thinkers. And it’s reached a tipping point where it kind of is everywhere. One thing that I think is also a bit anxiety inducing for those of us whose positions have been marginal for so long is that the mainstreaming of it means a loss of control, like a loss of control over the message, a loss of control over the ways in which it’s being taken up and the mantle is being taken up. I made peace with the fact that all I’ve got control over is the things that I get involved in, the way that I communicate my work, the way that I write, the way that I speak. I remember soon after my book came out, people came up to me and asked, « how do you feel about people using your book for ends that they felt was kind of nefarious ». Someone was telling me that they were getting chatted up by a white guy on Tinder, and he was talking about the fact that he’d read my book. To be honest with you, I’m not going to get worked up with that, because that’s out of my hands.
It’s going to be deeply uncomfortable that we lose control over the way that the work that we’ve been involved in is perceived. But can you even imagine that happening a decade ago, somebody using a piece of feminist or antiracist work as a chat up line? It really is, again, a testament to the progress that’s been made in the last decade. And the bigger a movement gets, the more it gets diluted. My book Why I’m no longer talking to white people about race sold a million copies. It’s got to the point now where people reality TV stars are talking about it, that’s actually good. I’m not going to turn my nose off at that because it means that if the reality TV star is talking about my book in a gossip magazine. When I was 14, I was not reading feminist theory I was reading gossip magazine, so it would be amazing if another 14 year old today picks up that gossip magazine and hears about the reality TV star talking about my book.
Rebecca Amsellem What was the best outcome you had on your mind when writing « Why I am no longer talking to white people about race” ?
Reni Eddo Lodge A lot of people asked me that at the time,
and I didn’t really see anything beyond the date of publication as a goal or an achievement. Looking back now and especially thinking about the movements I was involved in. I wanted to change the perspective of the white left on racism. I was absolutely sick of being around a lot of white people involved in progressive activism. Racism did not feel like something that was a priority for them, and they didn’t get it.
Rebecca Amsellem And there’s something that you write in the book that I thought was really striking, especially when talking about Utopia. You say that white feminism in itself isn’t particularly threatening, it’s the only one that is being broadcast and seen as universal that is. So you wrote this ten years ago, and since then, lots of things happen, especially in white feminism. Do you think it evolved
in a good way?
Reni Eddo Lodge I’ve had my own personal experience with white centered feminism, I’ve been directly burnt. I wrote about it in the book, chapter five. I was accused of being a bully by white British women involved in feminism. It’s not surprising to me that White British women who in the early 2010s were branding Black women bullies, even if apologies were made. It evolved into a movement that’s very hostile to trans women. I don’t think that it is a coincidence.
Rebecca Amsellem Do you remember the moment when you realized the left movements were so white that they did not include the racism problem in their thoughts?
Reni Eddo Lodge I’d always had the thought
in the back of my mind when I first started getting involved in feminists and general left activism. I’d go to feminist conferences in the early 2010s and they talked about race. They talked about how Muslim women are oppressed because they dressed in ways that they didn’t like. The wider left movement had a fairly sophisticated understanding of economic inequalities, but didn’t have a sophisticated understanding of racism. I got to that point where I decided that I need to start challenging this. That is when I found groups of women of color or Black women. I just gravitate towards them, and then we’d be talking about it amongst ourselves.
Rebecca Amsellem Let’s talk about nuance. Do you apply nuance as a methodology to your feminist way of thinking ?
Reni Eddo Lodge To some extent, you have to have a solid certainty when it comes to diagnosing the problem. I think that we see this rigidity again, mostly in the popular iteration of the gender critical movement, because a lot of the loudest voices of that movement tend to be white. I have seen that same level of rigidity in the precedent kind of thinking for what’s become that movement. I think that there was this brand of radical feminism that was very persuasive in that way around, like women being a sex based class. And I think also those of us who’ve come from the left and are somewhat familiar with Marxism, that can be appealing and an interesting window to view patriarchy. But the more I got interested in black feminism, the more I realized, it’s just too rigid a lens because not all women are faced. Yes, all women face misogyny and sexism regardless of your class culture. But I’m not in the same class as a white British woman who’s descended from landed Gentry. I’m not. I remember writing in the book in the chapter on class, that where I’m from, the picture of a working class person is most likely to be a black single mother living on an estate, living in poverty. And she’s facing not just misogyny and sexism, but she’s also facing racism and classism. And all of that informs how she navigates the world around her and the barriers that she’ll face. And she’s not facing the same barriers as a white woman whose dad is a CEO who is middle to upper class. She’s simply not. There are arms of feminism who are very committed to a kind of rigid binary thinking that is simply it’s in conflict with an intersectional approach. Black feminism is a foundation of nuance. It brings a foundation of nuance to my understanding of inequality in a way that a certain type of rigid feminism. Some might have called it radical 40 years ago. I’m not trying to do down the feminists who came up with those thoughts because they did great things for women at the time. For example though, I don’t agree with commitments to things such as political lesbianism. It’s homophobic to suggest that. I think it’s to decide that we’re just going to separate ourselves from cisgender men in order to avoid sexism. It just feels we’re going to make the choice to only sleep and have sex and love women. It feels dismissive to women who are actually queer or lesbian, and also feels also dismissive to those of us who are attracted to men for our sins. And Black feminism helped me understand and brought me to queer feminism. I think it’s just that understanding of intersectionality. It helped me understand, for instance how homophobia intersects with sexism, or how class intersects with sexism, all of these things. To me, it just feels like a very inherently nuanced approach.
Rebecca Amsellem It was the philosopher Simone Weil who said that the desire to think without nuance constantly takes us away from the truth. “We have come to the point where we hardly ever think, in any area, of taking a stand ‘for’ or ‘against’ an opinion. Then we look for arguments, depending on the case, either for or against. This is exactly the transposition of party membership. « According to Weil, political parties lead the way, because they control power and they alone are
the beneficiaries of nuanced thinking. “The institutions which determine the play of public life always influence the totality of thought in a country, because of the prestige of power. » She keeps going. “As in political parties there are Democrats who admit more than one party, so in the realm of opinions broad people recognize value in opinions with which they say they disagree. It is to have completely lost the very sense of right and wrong. Others, having taken a stand for an opinion, are unwilling to consider anything contrary to it. It is the transposition of the totalitarian spirit. Can we reclaim the right to be nuanced ? To hesitate ? Or even to say we moved on from one opinion to another.
Reni Eddo Lodge I read this really interesting blog post from thinker Sara Ahmed yesterday, she wrote
this post called Gender Critical = Gender Conservative.That rigidity, that extreme binary, that lack of nuance is what the dominant hierarchies thrive on. They come from a perspective of defining people lower down the hierarchy. It’s created in a way that’s really rigid and doesn’t afford us our humanity.So it’s been interesting to see that there are strains of feminism committed to that rigidity and lack of nuance. And it’s getting a huge microphone at the moment. I have to raise this as a British person. It is embarrassing to me that Britain is the global hotspot for this kind of feminist politics at the moment. There is this huge wave of anti-trans thinking and writing coming from Britain at the moment.
For example, we’ve got one British woman, who is probably one of the most successful authors in the world and is writing anti-trans articles. The UK is a hot bed for that. It’s very disappointing for me, because as somebody who’s got into feminism because I was sick of gender roles, it’s like trans people just feel like a natural ally in that project.
Rebecca Amsellem What does a feminist utopia looks like to you ?
Reni Eddo Lodge There’s some amazing groundwork being done at the moment around reconfiguring how we deal with harm in our society. And it would be amazing to see some of those initiatives get the air to thrive and flourish. I guess my feminist utopia would have essentially early intervention work that just completely upends, like
patriarchal entitlement over women’s bodies from day zero. As I said earlier in our conversation, I do think that sexual violence is the thing that affects all women, trans, cis, whatever class background that you come from, it’s something that affects us all. Rapists and people who do sexual violence are not monsters. They’re people in our society. They’re your brothers, husbands and sons. And we need to start there.
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