Mardi 30 juin 2020 Cet hiver, qui me semble avoir duré trois ans, j’écoutais en boucle la chanson “Soleil, soleil” de Pomme, dans laquelle elle chante : “Retrouver le soleil qui nous manque, qui va brûler toutes nos peines, le soleil qui nous hante, oh reviens, soleil, soleil”. Je suis une enfant de novembre, et on ne peut pas dire que l’été soit ma saison de prédilection. Mais cette année, plus que tout autre, je l’attendais avec impatience. Inutile de vous expliquer pourquoi, je pense que vous le savez très bien. Même quand on vieillit, même quand on travaille et qu’on n’a pas de congés, les mois de juillet et août restent des mois à part, suspendus. Quand j’étais ado, les grandes vacances m’angoissaient car elles laissaient le champ libre à ma mélancolie. Je ne savais pas m’ennuyer, me détendre, “profiter”. De son côté, Claire Pommet – alias Pomme – m’a confié qu’elle adorait cette pause estivale. Elle l’occupait en lisant, en se baignant, en écrivant dans des carnets. Oui, avant de vous quitter pendant deux mois, j’ai voulu m’entretenir avec celle qui a éclairé mes moments sombres de 2020. Je vous laisse donc en compagnie de Pomme que j’ai eu le plaisir d’interviewer, et vous souhaite de pouvoir prendre du temps pour vous, les Petites Glo, de vous ressourcer avant la rentrée… pour revenir plus fort·e·s que jamais !
Je crois qu’adolescente, j’étais assez sûre de moi. Parce que je ne me posais pas beaucoup de questions. Je me sentais lucide, presque invincible. J’avais traversé une période de mélancolie et de tristesse intenses, à la pré-adolescence, et j’étais heureuse d’en être sortie. Mais en réalité, j’étais dans le déni de beaucoup de choses, et c’est pour ça que je me croyais heureuse. Je ne creusais pas dans ma psychologie, je me concentrais sur la musique, mes amis et des choses de surface. J’avais plein de e-friends que je rencontrais sur des forums de musique. J’adorais écrire des lettres manuscrites, et je composais mes premières chansons en français. J’ai aimé cette période, tellement que je n’ai jamais vraiment voulu en sortir. Je trouvais ça merveilleux, d’avoir 15 ans, d’être trop jeune pour qu’on m’en veuille, mais d’avoir l’impression de tout savoir.
Plus le temps avance, plus je dirais que je m’engage, oui. J’ai toujours eu à cœur la cause environnementale car j’ai été élevée avec cette conscience-là. Le féminisme est venu plus tard, autour de 19 ou 20 ans, puis la lutte anti-LGBT+ phobie, quand j’en ai moi-même été victime au même âge. Aujourd’hui à 23 ans, je découvre qu’il est important de s’engager aussi pour des causes qui ne nous concernent pas directement : dans mon cas, le racisme, par exemple. Parce qu’en tant que femme, j’aimerais que les hommes s’engagent aussi intensément que les femmes dans le combat féministe. Alors je considère que ça s’applique à toutes les causes. Par contre, en France, être lesbienne est considéré comme un militantisme ou un engagement. Avec ça, je ne suis pas d’accord, parce qu’être libre et aimer qui on veut, ça n’est pas être engagé.
Être féministe, c’est vouloir les mêmes droits pour les femmes et les hommes. Donc vouloir que les femmes soient considérées comme des êtres humains, tout simplement. Bien sûr que je suis féministe, comment ne pas l’être ! Et je fais de mon mieux pour m’instruire sur le féminisme intersectionnel, qui est le vrai féminisme que je voudrais appliquer dans mon quotidien. C’est le féminisme qui ne concerne pas seulement les femmes blanches, mais toutes les femmes, d’orientations, origines et milieux différents.
Non, pas dans mon art. J’ai une démarche militante dans la vie. Au quotidien. Sur les réseaux sociaux parce que j’ai la chance d’avoir beaucoup d’attention et de gens intéressés par ce que je raconte et que je veux utiliser cette plateforme à bon escient. Mais je ne pense jamais mes chansons par le prisme de ce militantisme, mes chansons sont instinctives, sûrement teintées de mes réflexions et engagements mais ça n’est pas une démarche dans mon art.
Haha… Non, malheureusement, les choses ne changent pas si vite. Ça prend du temps, parce que même s’ils sont importants, ces manifestes ne sont pas suffisants. Il faut dénoncer le sexisme au quotidien, dans l’industrie de la musique comme dans toute la société. C’est un travail de longue haleine, et en tant que femme, on a déjà beaucoup de choses à porter, alors on n’a pas toujours l’énergie pour tous les combats. Mais la base, selon moi, est de dénoncer immédiatement quand on est victime/témoin d’un propos raciste. Il faut oser remettre les gens à leur place et leur expliquer. Et oser parler à son entourage des gens sexistes, malsains, pour qu’ils ne soient pas totalement libres d’imposer leur sexisme autour d’eux mais qu’ils soient surveillés et dénoncés.
Oui, j’ai été victime de harcèlement quand j’avais 15 ans, à mon arrivée dans l’industrie de la musique. J’ai mis des années à réaliser que c’était bel et bien du harcèlement et de la manipulation. J’ai beaucoup appris et j’en fais une force aujourd’hui. Je sais identifier les comportements inappropriés. Je ne laisse rien passer. Dans ma vie personnelle, moins. Il y a moins de jeux de pouvoir.
J’ai très peur de la mort. Pas de mourir demain, mais du fait que tout s’arrête. Je suis souvent obsédée par le regard des autres, ce qu’ils pourraient penser de moi, et parfois ça me demande beaucoup d’efforts de faire des choix sans penser à ça. Ma confiance en moi est fragile, elle s’en va et revient, par phases. Je suis anxieuse ! Mais j’essaye de transformer tout ça en création, j’essaye de devenir ma propre amie, et ça va bien mieux au fil des ans.
Je pense que j’aurais aimé en entendre parler plus souvent en me construisant. J’ai développé des angoisses et des peurs parce que ce sont des sujets tabous, en tout cas dans mon milieu. Alors peut-être que c’est un peu comme si je rattrapais ce manque en écrivant plein de chansons là-dessus !
Encore une fois je ne revendique rien, j’écris seulement des chansons où des femmes s’aiment, je parle de ma vie. Je n’ai aucune revendication autre que celle de pouvoir être qui je suis. Ce qui est important pour moi, c’est ça. Que chacun puisse vivre sa sexualité, sa vie comme il l’entend. Il y a encore énormément de tabous autour de l’orientation, du genre, en France. La transidentité est très mal connue et mal acceptée voire totalement rejetée. Dans la société en général, car dans le milieu artistique, il y a un petit peu plus d’ouverture même si ça n’est pas encore idéal. En parlant tout simplement de ma vie dans mes chansons, je vois que ça permet à des jeunes (et moins jeunes) de s’identifier, de se projeter, et que ça leur fait du bien. J’ai manqué d’exemples diversifiés pendant mon adolescence et je réalise aujourd’hui que les exemples sont primordiaux, surtout le fait qu’ils ne soient pas uniformes.
Je sais à quel point c’est complexe. Il faut être fier. S’entourer de gens ouverts, changer d’amis s’il le faut, pouvoir être avec des gens avec qui on se sent en confiance. S’alimenter en contenus Queer qui nous font sentir acceptés et légitimes (les émissions de RuPaul, les séries Sex Education, Queer Eye, Feel Good). Écouter des chansons queer, de Aloïse Sauvage, Eddy de Pretto, Suzane, Hoshi, Angèle. On vit dans une époque où les artistes s’assument et c’est bien normal. On a accès à de la musique et de l’art qui nous ressemble, consommez-le !
Je ne me sens pas très féminine, en tout cas pas dans les codes de la féminité imposés par la société. Je crois qu’il faut réinventer une féminité, bannir la normalité et l’injonction à s’épiler, se maquiller, être maigre. Que chacune puisse être libre d’être féminine à sa façon. Mon rapport au corps n’est pas toujours de tout repos. J’essaye de me l’approprier, qu’on soit une équipe, mais j’ai grandi en le détestant ou en le glorifiant, sans juste milieu. J’essaye de trouver l’équilibre. Je fais du yoga, ça aide, et je prends soin de ma santé, de mon corps, j’en fais une priorité.
C’est encore tabou mais moins qu’il y a quelques années, je sens une différence entre mes premières règles et le rapport aux règles dans le présent. Il y a beaucoup de livres (Ceci est mon sang d’Élise Thiébaut, ressource géniale), dans mon quotidien j’en parle avec des femmes ET des hommes, ça aide à normaliser. Ce sont des sujets à aborder en société, à banaliser dans les conversations. Moi, j’essaye de les aimer, parce qu’elles me font super mal au ventre, donc c’est difficile, mais je sais qu’elles signifient aussi que je suis en bonne santé, et que j’ai de la chance.
J’ai découvert la notion de précarité menstruelle il y a seulement deux ans par le biais d’un événement organisé par Règles Élémentaires et Sofar Sounds. J’ai réalisé que toutes les femmes n’avaient pas accès au nécessaire pour se sentir bien pendant leurs règles parce que les serviettes et tampons ne sont pas remboursés et coûtent cher. Ça m’a paru totalement injuste. Alors j’essaye de participer à mon échelle : donner, en parler publiquement.
Il n’y a pas besoin d’argent. Il y a des milliards de ressources sur internet, de documentaires à regarder, de podcasts à écouter, de discussions à avoir. La révolution passe aussi par la remise en question, questionner les propos des gens autour de nous, le dire haut et fort, questionner nos propres réflexions racistes, sexistes au quotidien. Manifester et se rassembler.
Sorcières de Mona Chollet, les BD de Mirion Malle, les BD de Liv Strömquist, Le racisme est un problème de Blancs de Reni Eddo-Lodge, le livre collectif Faire partie du monde – Réflexions écoféministes, et les livres de Tove Jansson…
Le temps est bon ! Un mot de notre partenaire, Hachette Romans Un partenariat qui a du sens, haut en féminisme, en représentation et en culture ! Chez Hachette Romans, on publie des livres qui éveillent au débat, qui rendent heureux et qui ouvrent l’esprit. Mais surtout des livres qui parlent de féminisme, qui décomplexent et prônent l’empowerment. Avec Hachette Romans, nous voulons offrir des role models aux futures générations de femmes. Parce que nous affirmons qu’il n’existe pas une féminité, mais qu’il tient à chaque femme de définir la sienne. Et que nous continuerons de militer pour faire entendre les voix des plus jeunes féministes d’entre nous. Parce que la révolution, c’est avec nous qu’elle commence. Si vous preniez un jeu de cartes pour vous accompagner cet été (en dehors de votre traditionnel Uno #labase) ? Et attention, pas n’importe lequel : l’un des cinq jeux de la gamme Sexploration. Leur principe est simple, à travers des mémos, des quiz ou encore des jeux de rôle, ils vous permettent d’aborder des sujets très importants tels que le consentement, les infections et maladies sexuellement transmissibles, la contraception, les orientations et identités sexuelles, les privilèges… en jouant avec vos potes. La créatrice, Claire Vimont, a eu cette idée en constatant à quel point les jeunes manquaient d’informations sur la sexualité (vous me l’avez souvent confirmé cette année). Ces jeux s’adressent aux 12-18 ans mais, honnêtement, je pense qu’ils sont essentiels à TOU·TE·S ! Mention spéciale au “Jeu de rôle du consentement”, à sortir dès que possible pour une partie avec votre bande afin que tout le monde comprenne bien l’enjeu du “oui”. #CONCOURS – Et vous savez quoi ? Je le trouve tellement important, ce petit jeu de cartes, que je vous en ferai gagner un exemplaire sur la page Insta des Petites Glo très bientôt. Stay tuned ! Du mois de mars au mois de mai, vous avez peut-être trouvé un avantage au fait d’être confinée : celui de pouvoir rester blottie dans votre lit quand vous aviez vos règles… et cela même en pleine semaine. La journaliste Rachael Revesz a publié un article à ce sujet sur le site britannique The Independent intitulé : “Dans ce nouveau monde post-coronavirus, un jour de congé menstruel par mois est tout ce que je demande”. Il est en anglais, alors je vous cite un passage particulièrement important dans lequel elle écrit : “J’ai des amies qui s’évanouissent et vomissent tous les mois, poussent des cris d’animaux et menacent de mordre leurs partenaires ou toute autre personne qui s’approcherait de trop près alors qu’elles se tordent de douleur. J’ai des amies qui ne peuvent rien faire d’autre que se recroqueviller en boule et espérer que les antalgiques fassent effet. Elles ne dorment pas de la nuit, et quand les crampes commencent à disparaître vers 7 heures du matin, leur réveil sonne. J’ai des amies qui souffrent d’endométriose et leur douleur est tout simplement inimaginable.” C’est pourquoi elle rouvre le débat du “congé menstruel”, une période pendant laquelle une personne ayant des règles douloureuses pourrait prendre un ou plusieurs jours off, en étant payée ou non. Quand on est au collège ou au lycée, puis lors des études supérieures ou des premiers jobs, les douleurs liées aux règles sont la première cause d’absentéisme chez les jeunes femmes. Ce congé, qui existe déjà au Japon, en Corée du Sud, en Indonésie, ou à Taïwan, est très controversé. En 2017, le parlement italien en avait débattu longuement, sans l’instaurer dans le pays. Pour certain·e·s, il s’agirait d’une grande avancée sociale, pour d’autres, une telle mesure risquerait de renforcer les discriminations à l’égard des femmes dans le milieu professionnel. Selon Rachael Revesz, “nous avons fait de grands progrès récemment en ce qui concerne la façon dont nous parlons et représentons les règles – rien qu’à travers le fait que l’expression ‘précarité menstruelle’ soit devenue plus courante -, mais cela ne se reflète pas dans le milieu de travail.” Vous les Petites Glo, vous en dites quoi ? Plutôt pour ou contre le congé menstruel ? Et si cela faisait partie des débats-clés de la rentrée ?
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