Bienvenue à la newsletter Les Glorieuses. Chaque mercredi, vous recevez une analyse féministe de l’actualité et des liens vers des articles inspirants et des événements qu’on soutient.
Si on vous a transféré cet email, vous pouvez vous inscrire – gratuitement – ici et nous contacter à [email protected].
Nous avons dédié les deux dernières newsletters à la
campagne #4novembre16h16 pour soutenir le plan de relance économique féministe. Grâce à vous, elle est un succès. Et ce n’est pas fini. Notre but ? Que le gouvernement propose un plan de relance économique féministe. Aidez-nous à diffuser cette pétition pour qu’elle touche un maximum de personnes en partageant le message suivant par exemple.
Merci et bonne journée !
Les Glorieuses.
La révolution génitale – Entretien entre la philosophe Camille Froidevaux-Metterie (Twitter) et Rebecca Amsellem (Twitter, Instagram).
Cette semaine, j’ai l’honneur de vous proposer une retranscription de l’échange que j’ai eu avec Camille Froidevaux-Metterie au Club des Glorieuses. C’est très émouvant pour moi car elle a été la première personne à m’envoyer un message au tout début de la newsletter, afin qu’on se rencontre, à un moment où personne ne faisait attention à cette newsletter. Je me rappelle ma nervosité à l’idée de la voir ; je ne savais pas ce que j’allais pouvoir lui raconter. Cela faisait des années qu’elle travaillait sur ces questions, et je l’admirais énormément (et je l’admire toujours d’ailleurs), et elle est la première grande figure du féminisme que j’ai
rencontrée grâce à ce projet. Je la présente en quelques mots : elle est philosophe, chercheuse en sciences politiques. Ses recherches portent sur l’histoire de la pensée et des théories féministes, sur les mutations de la pensée féministe dans une perspective qui place le corps au centre de la réflexion, et sur le corps des femmes comme objet de débat au sein du féminisme et de la société en général. Je rappelle ses dernières publications : La Révolution du féminin, qui vient d’être éditée en format poche, et Le Corps des femmes : la bataille de l’intime, qui a été publiée en 2018. Pendant le confinement, elle a publié un livre génialissime qui s’appelle Seins. En quête d’une libération, aux éditions Ana Mosa. Cette discussion est la retranscription de notre échange qui a eu lieu lors du Club des Glorieuses. On avons abord » plusieurs thématiques qui ont trait au corps des femmes, à sa sexualisation, son objectification, et à nos rapports intimes avec eux, qui sont très souvent conflictuels.
Rebecca Amsellem Le premier thème qu’on va aborder est la réappropriation du corps. Dans son livre Le Corps des femmes : la bataille de l’intime, elle aborde la réappropriation du corps des femmes par elles-mêmes, et elle parle de tournant génital du féminisme (j’adore l’expression) grâce au mouvement #MeToo. Ça fait écho à un élément dont elle a parlé plus récemment, lors du confinement, le temps d’une tribune qu’elle a publiée dans Libération, dans laquelle elle mentionne un aspect positif du confinement. Elle dit que « pour la première fois, les femmes sont complètement débarrassées du regard extérieur et de ce que cela implique sur leur apparence : plus de talons, plus de soutiens-gorge, plus de maquillage, plus de couleur pour masquer les cheveux gris… les femmes font enfin ce qu’« elles veulent de leur corps ». Je me demande si le confinement a permis une étape supplémentaire après #MeToo : est-ce qu’il s’agit d’un second tournant génital du féminisme ?
Camille Froidevaux-Metterie Le tournant génital du féminisme est en fait antérieur à #MeToo qui n’en est qu’une étape, particulièrement intense, mais une étape parmi d’autres. Je date le commencement de ce tournant génital du début des années 2010 : on a alors vu apparaître dans la sphère militante une nouvelle
génération de féministes, la tienne et celle des femmes un peu plus jeunes, qui ont décidé de se saisir de toute une série de sujets, très divers mais qui avaient un point commun, un fil rouge qui les reliait : ces sujets concernaient tous le corps des femmes dans ses dimensions intimes, génitales même. Le thème qui a lancé cette dynamique, c’est celui des règles, avec notamment la campagne pour la baisse de la TVA sur les produits de protection hygiénique. Une série d’autres problématiques ont ensuite été explorées : la question des différents types de contraception, les maladies associées à la génitalité, comme l’endométriose (la première campagne nationale d’information sur cette pathologie date de 2016), les violences gynécologiques et obstétricales et, bien sûr, le sujet des violences sexuelles avec #MeToo en 2017. Ce mouvement vient donc s’inscrire dans une dynamique d’ensemble de réappropriation de leur corps par les femmes. Il permet d’en révéler la nature profonde. Je l’interprète comme la prise de conscience soudaine du fait que, si les femmes sont parvenues à acquérir un certain nombre de droits, décennie après décennie, si l’égalité femmes-hommes a progressé, particulièrement dans la sphère professionnelle, pour ce qui concerne leur vie intime, et notamment leur corps sexuel, les femmes étaient restées enfermées dans une conception qui faisait de leur corps un corps « à disposition ». Tout s’est passé pour elles comme si elles avaient dû payer leur émancipation sociale du prix de leur maintien dans cette condition de disponibilité sexuelle. À partir des années 2010, les jeunes femmes ont réinvesti cette question du corps. Je dis « réinvesti » car il faut rappeler que le corps était au centre des luttes féministes dans les années 1970, il ne s’agit donc pas d’un sujet inédit, mais il avait été délaissé pour des raisons que je n’ai pas le temps de développer maintenant. On peut dire simplement que le féminisme a une part de responsabilité dans cet oubli et cette déconsidération du corps des femmes. On le comprend puisqu’il s’agissait de s’affranchir d’un corps qui était le lieu par excellence de l’aliénation et de la domination masculine. C’est cette relation originelle de complicité avec les mécanismes du système patriarcal qui a pu faire que le corps soit un temps rejeté hors du champ de la pensée et de la lutte féministes. Au début des années 2010, nous avons pris conscience que le domaine de la vie intime était ainsi resté hors de la prise féministe et nous avons relancé la dynamique initiée dans les années 1970.
Rebecca Amsellem C’était peut-être nécessaire d’avoir ce temps de masculinisation du corps des femmes pour pouvoir, par la suite, se le réapproprier ?
Camille Froidevaux-Metterie Oui je pense que tu as raison, même s’il ne s’agit pas tant de masculinisation que de neutralisation et de déconstruction. Nous avons eu besoin d’un certain nombre d’étapes, à la fois militantes et théoriques, notamment les études de genre et les études queer. Elles sont cruciales car, en pensant la déconstruction de la binarité sexuée et genrée, elles ont permis aux féministes hétéros et cis de questionner leur rapport à leur propre corps. Il a d’abord fallu s’affranchir du carcan de la corporéité féminine « traditionnelle », caractérisé par l’assignation à la maternité et à l’hétérosexualité obligatoires (féminisme des années 1970), pour pouvoir ensuite déconstruire les mécanismes patriarcaux qui la perpétuent (féminisme des années 1990), puis entreprendre de faire du corps le lieu même de l’émancipation. C’est ce qu’il se passe aujourd’hui de manière assez enthousiasmante.
Rebecca Amsellem Tu penses qu’aujourd’hui le tournant génital est une question de génération, puisque tu parles de la jeune génération qui s’est réapproprié ce sujet ?
Camille Froidevaux-Metterie Oui, c’est très évident. Il n’y a pas que les plus jeunes qui s’intéressent à ces sujets corporels, d’autres le font depuis un moment, mais cette dimension massive est inédite. L’effervescence dans laquelle nous sommes désormais donne le sentiment que cela ne s’arrêtera jamais. Chaque mois, un nouveau sujet est investi, un nouveau combat s’enclenche… Il y a quelque chose d’irrésistible qui est en train de se passer, on le doit, je pense, à la jeune génération.
Rebecca Amsellem Justement mettons les pieds dans le plat et parlons des deux polémiques qui ont fait surface ces deux dernières semaines sur les tenues des femmes et des filles. J’ai envie de parler à la fois de la mobilisation du lundi 14 septembre, des objectifs de la mobilisation ainsi que de ce qu’elle a permis de faire, mais j’ai également envie de parler du film Mignonnes de Maïmouna Doucouré qui traite de l’hypersexualisation du corps des femmes : je pense que ces sujets se recoupent et rejoignent également une troisième polémique qui concerne une députée de LREM qui est sortie de la salle car elle ne supportait pas qu’une syndicaliste, qu’elle avait pourtant invitée, porte le voile. On a trois sujets de jeunes filles qui voulaient s’habiller comme elles le souhaitent, la première implique des crop tops et des shorts : je pensais que la polémique allait s’éteindre d’elle-même mais bon… Dans un second temps une réalisatrice qui décide de dénoncer l’hypersexualisation des jeunes filles et qui subit un backlash énorme, sur tout le contraire de ce qu’elle a voulu dire, et enfin cette troisième jeune femme qui subit une humiliation sur les réseaux sociaux car une élue a décidé que sa tenue n’était pas conforme. Ces trois polémiques sont choquantes en 2020 et en France. Et en même temps je trouve qu’elles sont porteuses d’un espoir dans le sens où elles permettent de révéler les contradictions dans la sphère politique et le monde culturel, et de faire émerger une nouvelle génération de féministes qui portent, et c’est ce que tu disais tout à l’heure, fièrement les valeurs du féminisme. Personnellement, je sais qu’il s’agit d’une génération qui me bluffe totalement, j’adore ce mouvement et je suis convaincue que si nos générations à nous n’y arriveront pas, celle à venir le fera. Qu’as-tu ressenti en regardant ces polémiques ?
Camille Froidevaux-Metterie D’abord je l’ai vécu personnellement car j’ai une fille de 14 ans qui est au collège. Elle a participé à la journée, comme beaucoup de ses copines, elle a fait le choix de se présenter en crop top et en jean. Sa Principale l’a attrapée au passage, elle lui a dit que sa tenue était inappropriée et qu’il ne fallait pas qu’on voie son nombril au collège. Ma fille lui a demandé quel était le problème avec son nombril, et la Principale lui a rétorqué que si elle n’arrêtait pas elle allait appeler ses parents. Ce à quoi ma fille a répondu: « Oui appelez ma mère ! Elle sera ravie d’en discuter avec vous ! » Cela m’a amusé et cela m’a fait réfléchir, j’ai écrit une tribune dans Libération dédiée au « Nombril de Rose » (Rose étant ma fille) et lancé une série de tweets appelée « le nombril des filles », pour relayer les différents textes et réactions. Dans la tribune, j’ai essayé de montrer, et il ne s’agissait que de bon sens féministe, que si la tenue des filles posait encore problème en 2020, c’était parce que nous n’avions pas réglé le problème de la sexualisation de leurs corps. Je l’ai montré dans mon livre Seins. En quête d’une libération, lorsque les seins apparaissent, les filles se voient immédiatement renvoyées à un corps sexuel. La puberté, c’est l’entrée dans son corps sexué mais aussi la découverte de la condition de disponibilité sexuelle qui est celle des femmes. Les filles que j’ai rencontrées, notamment celles qui ont eu assez vite de gros seins, m’ont raconté la violence des regards et des réflexions qu’elles subissent et qui les
réduisent à une sexualité dont elles sont encore très loin concrètement. Le projet féministe, c’est de mettre un terme à cette définition des femmes par leur corps. Nous rêvons d’un jour où nous cesserions d’être réduites à nos corps. De ce point de vue, la réaction de ces collégiennes et lycéennes est très enthousiasmante. Je crois que, dans nos sociétés occidentales (car cela ne concerne évidemment que ce cadre), nous sommes arrivés à un moment où les femmes n’acceptent plus de se laisser dicter de l’extérieur ce qu’elles doivent faire, ou pas, de leurs corps. Lorsque cela arrive, et c’est hélas très fréquent, je l’analyse en termes de rappel à l’ordre patriarcal des choses. Il se produit comme un réveil des mécanismes anciens d’assignation des femmes à leur corps sexuel
et de contrôle social sur leur corps. Dans le même temps, ce que j’observe, et c’est ce qui s’est passé dans l’histoire de la jeune femme au décolleté du musée d’Orsay, ou celle des femmes aux seins nus sur la plage, c’est que non seulement ces femmes réagissent et se révoltent, mais elles suscitent un mouvement que les médias sont obligés de relayer. J’ai été invitée à discuter de ces différentes « affaires » sur le thème : « Le puritanisme est-il de retour ? ». Enfin bref, complètement à côté de la plaque… Il ne s’agit pas de puritanisme mais de contrôle social sur le corps des femmes et de ces mécanismes profondément enracinés du système patriarcal qui se réactivent de manière trop fréquente.
Rebecca Amsellem Dans ton livre, tu fais référence aux seins en disant et je me permets de te citer : « Les seins condensent cette injonction enracinée de la disponibilité corporelle. Ils doivent être suffisamment visibles pour remplir leur rôle d’appât sexuel mais pas trop, pour demeurer les objets privés de ceux à qui ils sont destinés. » Cette phrase est parfaite car on comprend tout, tout de suite. Quand tu parles des jeunes filles qui commencent à avoir des seins, peu importe si elles ont des gros seins ou des petits seins, tout d’un coup elles commencent à être sexualisées à un âge où elles n’y ont pas forcément pensé. Comment en est-on arrivé à un moment où les seins sont sexualisés ? Est-ce que ça a toujours été le cas ? Est-ce que ce sera toujours le cas, est-ce qu’il faut qu’on fasse avec ?
Camille Froidevaux-Metterie Il y a toujours eu deux poitrines, la bonne et la mauvaise. La bonne, c’est la poitrine allaitante, celle qui nourrit son enfant mais aussi la population, d’où ces allégories des valeurs républicaines représentées par des femmes aux seins nus. Et puis il y a la mauvaise, la poitrine aguicheuse, provocante, excitante ; c’est Ève la tentatrice. Cette dichotomie traverse toute l’histoire, les seins des femmes ont toujours comporté ces deux dimensions maternelle et sexuelle. Mais le tournant de la sexualisation est pris au xive siècle, lorsque les femmes commencent à porter des corsages décolletés. Jusque-là, tout comme les hommes d’ailleurs, elles portaient de longues tuniques. L’Église catholique condamne ces nouvelles tenues qu’elle considère comme une incitation à la sexualité. Du point de vue des représentations, les seins que l’on voit ou, plutôt, que l’on accepte de voir dans l’espace public, ce sont toujours les mêmes : des seins en demi-pomme, ni trop petits, ni trop gros, ronds, fermes et hauts. Cet idéal apparaît dès l’Antiquité, dans la statuaire grecque. Il connaît son âge d’or à la Renaissance, avec la vague des tableaux figurant la Vierge allaitante. Et puis on la retrouve aujourd’hui. Les seuls seins socialement acceptables, les seuls que l’on voit dans l’espace public, ce sont ces seins en demi-pomme, un modèle presque irréel que très peu de femmes arborent. Il se trouve que je souhaitais faire figurer sur la couverture de mon livre, un sein réel, banal, un peu tombant. Je voulais précisément montrer que la demi-pomme ne correspond pas aux vrais seins des femmes et qu’il y a une grande diversité de seins. J’ai bataillé avec mon éditrice, mais c’est finalement cette fameuse demi-pomme qui figure sur la couverture de mon livre. Mais, je dois l’admettre, ce n’était pas facile visuellement de voir un sein banal, nos regards sont tellement formatés !
Rebecca Amsellem C’est vrai que c’est ce à quoi j’ai pensé en regardant la couverture de ton livre. Ce que tu m’as dit me fait penser à une anecdote : j’ai toujours pensé qu’elle était vraie mais il s’avère qu’elle est fausse. Il s’agit du mythe sur les coupes de champagne. La légende disait que la coupe avait été modelée au sein de Marie-Antoinette et j’ai appris que c’était complètement faux. Mais juste l’idée que ça perdure dans l’imaginaire collectif, je trouve ça vraiment inhérent. Je voulais qu’on revienne sur un autre point (ça va peut-être t’énerver, en tout cas moi ça m’énerve) qui est le super sondage paru hier. J’ai appris qu’il avait été créé par l’IFOP qui ensuite a essayé de le vendre aux médias. Et bizarrement le seul média qui a accepté de le publier était Marianne. L’objet de ce sondage était de demander ce que les gens pensaient de certains vêtements portés par des jeunes filles. Le sondage m’a choqué dans son intégralité, mais à l’intérieur, il y a une chose qui m’a encore plus choquée, et c’était la première question sur le no-bra, et le fait qu’on devrait interdire aux jeunes filles, dont on parle d’enfants, de ne pas porter de soutien-gorge car on pourrait voir se dessiner leurs tétons. Ce que je me suis imaginée à ce moment c’est tous les mecs dans leur réunion à l’IFOP qui ont pensé que c’était une bonne idée d’interroger les Français sur si oui ou non c’était tolérable pour une enfant de porter tel ou tel vêtement mais surtout tel ou tel soutien-gorge ! Et j’imagine que ça n’a pas toujours été le cas pour des jeunes filles de porter un soutien-gorge.
Camille Froidevaux-Metterie Ça m’a inspiré deux choses. La première, c’est que l’obsession de la sexualisation du corps des filles dit quelque chose de l’endroit où se pose le regard de la société, celui des marques, des annonceurs, des journalistes. C’est un regard qui redouble la vision prédatrice des hommes. Ce qui pose problème dans cette affaire, c’est de supposer qu’en montrant un peu de leur ventre ou de leurs épaules, les filles vont perturber les garçons qui ne vont pas pouvoir se concentrer en cours, face à cette chair « offerte ». Cela perpétue un stéréotype que je trouve vraiment dommageable, celui qui postule que le désir des garçons est irrépressible, qu’il s’agit d’un désir animal qu’ils sont incapables de maîtriser. Cela perpétue également la culture du viol et cette idée que les filles sont toujours responsables de ce qui leur arrive et notamment des agressions qu’elles subissent. C’est quelque chose d’absolument ahurissant. Cela fait des années qu’on en parle mais rien n’avance. On continue d’enseigner (très mal) « l’éducation sexuelle » quand il faudrait saisir le problème dans les termes de la sexuation. Lors de leurs années au collège, les filles et les garçons font leur entrée dans leur corps sexué, mais aussi souvent dans leur vie amoureuse et sexuelle, avec tout ce qu’elle a de magnifique et de problématique. Il faudrait pouvoir les accompagner, enseigner le respect de son propre corps, qui entraîne celui du corps des autres, apprendre aussi le respect de la diversité des genres et des sexualités… Ces sujets sont cruciaux. Si on ne déconstruit pas dès l’école, au collège, ces stéréotypes
genrés, comment espérer que le regard sur le corps des femmes change, comment espérer que les femmes puissent enfin vivre sereinement dans leurs corps tels qu’ils sont.
Rebecca Amsellem Je ne sais pas si t’as vu le communiqué de presse de l’IFOP qui voulait justifier à la fois le sondage et les pictogrammes. La personne qui a communiqué a précisé que ces images étaient bien puisqu’elles avaient toujours été utilisées pour exprimer ce type de chose : il n’y avait donc aucune raison de les changer : aucune excuse, ni sur le sujet ni sur la forme du sondage.
Camille Froidevaux-Metterie Je ne l’ai pas vu passer. En revanche, l’autre point que tu soulevais sur la visibilité des seins et des tétons et sur la question du no-bra est très importante. Quand j’ai commencé mon enquête, je pensais que le no-bra était une revendication de jeunes filles qui pouvaient se permettre de ne pas porter de soutien-gorge car leurs seins étaient suffisamment hauts et petits. J’ai découvert que c’est une aspiration qui est largement partagée et qui s’est d’ailleurs étendue pendant le confinement. Je n’ai pas répondu à ta question directement tout à l’heure mais c’est vrai que le confinement représente un moment inouï lors duquel les femmes ont pu développer un rapport à leur propre corps libéré des regards. Je pense que, pour certaines, le confinement a pu provoquer comme une révélation : elles se sont rendu compte qu’elles pouvaient vivre sans soutien-gorge. Quand il a fallu retourner dans l’espace public, pour aller travailler, cela a sans doute été moins facile. Mais cela a tout de même déclenché quelque chose. Ce ne sont pas tellement les seins qui dérangent, ce sont les tétons. C’est eux que l’on ne peut pas voir sur Instagram ou Facebook, ce sont les tétons que l’on n’accepte pas de voir pointer sous un tee-shirt. Or, comme j’ai pu le remarquer, il y a une grande variété de formes de seins, de formes et de couleurs d’aréoles, mais également des formes très diverses de tétons et ça, je l’ai découvert ! Il y a des tétons ombiliqués, c’est-à-dire rentrés à l’intérieur, d’autres qui sont au contraire en érection permanente, d’autres qui sont dédoublés, d’autres qui sont plats, ronds, pointus… c’est fascinant. Tout ça pour dire que ce n’est pas parce qu’on aperçoit des tétons sous un tee-shirt qu’il y a nécessairement quelque chose comme de l’excitation sexuelle. Ce sont simplement des seins de femmes qui sont faits ainsi. Reste que, pour celles qui décident de déambuler dans l’espace public sans soutien-gorge, il faut assumer la chair mouvante de leurs seins et la visibilité des tétons.
Rebecca Amsellem Je me permets de partager ces deux choses après ça. La première est très personnelle : j’ai arrêté de porter des soutiens-gorge pendant le confinement et je n’en ai pas remis depuis. Mais j’ai surtout commencé à courir sans soutien-gorge et c’est incroyable, parce qu’on nous vend un certain nombre de brassières qui nous plaquent les seins, ce qui nous fait assez mal d’ailleurs, et je me suis rendu compte qu’on pouvait courir en ayant de la poitrine, car le corps suit le mouvement. Le deuxième élément est en lien avec la visibilité des tétons. Certes ça peut, chez certains garçons, provoquer de l’excitation, mais là où je trouve ça déroutant c’est que des hommes, adultes, disent aux filles de porter un soutien-gorge car la vue des tétons provoquerait une excitation. C’est ça qui m’a mis extrêmement mal à l’aise : au lieu de construire une société où il y a une désexualisation de la poitrine des filles dans le regard masculin adulte, on a tendance, plus que tendance même, à obliger les filles à se conformer et à accepter le fait que si elles ne mettent pas de soutien-gorge, elles excitent un homme de 50 ans. C’est ça qui me met hors de moi. On continue, encore aujourd’hui, de se conformer à ce monde fait par et pour ces hommes-là, plutôt que de se dire qu’aujourd’hui est l’occasion de changer les choses.
Camille Froidevaux-Metterie Ce qui est paradoxal, j’allais dire amusant, mais en fait ce n’est pas très drôle, c’est que le soutien-gorge a été conçu à la fin du xixe siècle pour libérer les femmes du corset. Il a joué ce rôle libérateur un certain temps, jusqu’à ce que, dans les années 1990, on invente le push-up. Ce sont ces soutiens-gorge coqués et rembourrés qui entraînent une recorsetisation des soutiens-gorge. Ils sont devenus un outil de formatage des seins qui doivent être suffisamment visibles pour satisfaire les regards et jouer leur rôle d’appât. Or, qui dit visible dit gros, d’où la nécessité des soutiens-gorges rembourrés. Dans le même temps, ces soutiens-gorge uniformisent les seins et invisibilisent les tétons. Et puis, une fois que les seins ont rempli leur rôle d’appât (et c’est ce que j’ai pu constater en interrogeant la quarantaine de femmes que j’ai rencontrées pour mon livre), les seins sont complètement désinvestis dans le moment de la rencontre des corps. On le sait, le script sexuel dominant implique la pénétration d’un vagin par un pénis et conduit à une éjaculation qui marque la fin du rapport. Tout se concentre donc « en bas », les seins sont complètement oubliés et niés comme lieu de plaisir. Chez les lesbiennes, c’est très différent. D’une part, parce qu’elles envisagent le corps dans sa globalité (une des femmes interrogées me disait que ses seins étaient une zone érogène à part entière). D’autre part, parce que les lesbiennes n’ont pas cette pression mentale de l’éjaculation et peuvent prendre le temps d’aller chercher le plaisir là où il se loge. Du point de vue de l’épanouissement sexuel par les seins, la différence est flagrante. Elles sont chanceuses !
Rebecca Amsellem Pour terminer cette partie sur la réappropriation du corps on a une question de Louison qui nous dit : « J’ai toujours eu un problème avec l’injonction à l’épilation féminine car j’associe un corps sans poil à un corps d’enfant. Sauriez-vous pourquoi et comment les poils sont devenus un symbole de l’oppression patriarcale et du paternalisme ?».
Camille Froidevaux-Metterie Je ne pourrais pas le dater précisément mais ce que je peux dire, c’est qu’il n’y a pas un centimètre cube (j’insiste sur le mot cube qui renvoie à l’idée du volume) du corps des femmes qui échappe à une injonction esthétique. Nous avons, hélas, hérité du cumul des injonctions esthétiques telles qu’elles ont été inventées au cours de l’histoire jusqu’aujourd’hui. Je ne suis pas spécialiste de la question de l’épilation, mais j’imagine que l’injonction au lisse date du moment où les jupes des femmes ont commencé à remonter, c’est-à-dire à partir des années 1960. Le modèle esthétique qui s’est imposé est celui d’un corps mince, jeune et lisse. Le prototype de cet idéal est la poupée Barbie. Au-delà des poils, ce sont toutes les marques, toutes les taches, tous les reliefs de la peau des femmes qu’on leur demande de cacher. Je pense notamment aux vergetures, aux poils sur les jambes mais aussi sur les seins, à la cellulite, aux boutons, aux imperfections de peau… Ces injonctions ont toutes à voir avec la logique patriarcale d’assignation des femmes à la disponibilité sexuelle, qui est un mécanisme très ancien. La femme étant « par nature » disposée à faire des enfants, son corps procréateur doit rester à disposition des hommes. Pour qu’elles plaisent aux hommes qui leur feront des enfants, il faut qu’elles entretiennent un corps beau, jeune, lisse. Ce cumul des injonctions patriarcales se redouble, et c’est ce qui rend la vie des jeunes filles bien compliquée aujourd’hui, d’une logique commerciale. Les grands groupes de l’industrie de la mode et de la beauté ont intérêt à inventer sans cesse de nouvelles injonctions pour pouvoir vendre de nouveaux produits. Je suis absolument fascinée par le nombre d’outils de maquillage que l’on impose aujourd’hui : cette histoire de contouring qui nécessite 46 pinceaux et éponges de différentes tailles et formes, trois mois plus tard, c’est l’obsession des sourcils, trois mois plus tard, c’est encore une autre partie du corps… C’est une spirale infernale et j’ai peur qu’elle soit sans fin. La bonne nouvelle, c’est que les filles prennent de la distance par rapport à ces injonctions. C’est une position que j’ai toujours défendue : il faut arrêter de prendre les femmes pour des quiches. On l’a vu avec le mouvement #14septembre. Même si elles subissent les injonctions esthétiques à flux continu, les adolescentes d’aujourd’hui ont eu la chance de grandir dans une société déjà un peu féministe. L’idée, par rapport à la question de savoir ce que les femmes font de leur corps, c’est de permettre une mise au jour des injonctions afin qu’elles puissent se les approprier dans la distance, la transformation ou le rejet. Le souci que les femmes ont de leur apparence ne doit pas être systématiquement assimilé à une soumission insupportable au patriarcat. C’est un contresens et c’est contre-productif. J’ai beaucoup travaillé sur la relation des femmes à leur apparence, notamment dans La Révolution du féminin (Folio Essais, 2020). J’analyse ce souci dans les termes de la « coïncidence à soi ». Nous avons toutes, chaque jour, quelque chose à faire de nos corps et nous essayons toutes de donner à voir une image de nous-même qui coïncide avec celle que nous sommes. Il y a donc un lien étroit et positif entre être et apparaître. Par ailleurs, ce que nous montrons de nous est intrinsèquement variable, jamais fixé. On peut se présenter un jour avec des caractéristiques d’une féminité exacerbée et faire tout à fait l’inverse le lendemain. Quand on est féministe et qu’on est cohérente avec son féminisme, on doit
accepter la diversité des options que permet la liberté qui est la nôtre de faire de nos corps à peu près ce que nous voulons. Nous avons la chance, nous Occidentales, de pouvoir faire tous les choix, dans tous les domaines, maternel, sexuel, intime. En tant que féministe, jamais je ne critiquerais une femme pour son apparence, qu’elle soit ultra-féminine ou quasi masculine, pas plus que je déplorerais le choix d’une femme de ne pas avoir d’enfant ou d’en avoir plusieurs. Nous avons chacune un rapport singulier à notre corps, une histoire intime avec lui que personne ne connaît. Il faut donc toujours adopter une sorte d’a priori de bienveillance et accepter que les filles et les femmes fassent ce qu’elles veulent de leur corps.
Rebecca Amsellem Je suis complètement d’accord avec toi, je pense que c’est une condition sine qua non si on veut avancer, et finalement, le féminisme c’est ça, c’est une doctrine qui se bat pour que les femmes aient le choix de faire ce qu’elles veulent, il n’est pas question d’imposer ou de créer une nouvelle injonction. Je te propose de parler de la révolution et des moyens de la mener. On parle souvent de révolution de l’intime et je pense que ça fait écho à ton propos, qui est une révolution qui passe par la réappropriation de son corps, de son espace chez soi, et qui passe également par davantage de douceur envers soi-même : la doctrine du self care. Ces dernières années, la doctrine du self care a été vraiment citée par les activistes féministes, et a été appropriée par les marques pour en faire de nouveaux arguments de vente. Est-ce que tu penses qu’on est parvenues à mener cette révolution de l’intime ? Est-ce qu’on l’a au moins amorcée ? Et surtout est-ce qu’on doit en passer par là pour arriver à construire la société féministe antiraciste et écologiste dans laquelle on vivra demain ?
Camille Froidevaux-Metterie Oui, je pense. Je crois qu’il s’agit d’une étape essentielle. Le corps des femmes est, dans sa capacité maternelle et sexuelle, le socle de la société patriarcale (je rappelle que c’est l’enfermement des femmes dans cette condition qui a permis, siècle après siècle, de maintenir les hommes dans des positions de pouvoirs et de domination). Réinvestir l’intime, c’est tenter de déboulonner le socle de la société patriarcale, ni plus ni moins ! Quand on aura réussi à se réapproprier cette dimension intime, notamment sexuelle, on aura renversé ce qui permettait au système patriarcal de se perpétuer. C’était le projet des féministes des années soixante-dix mais il nous a fallu une cinquantaine d’années pour nous en ressaisir. La révolution ne se fera certainement pas en un jour, mais j’ai tendance à penser que le processus enclenché est assez irrésistible (même si, trop régulièrement, certains événements nous indiquent qu’il faut toujours rester vigilantes).
Rebecca Amsellem Justement je voulais parler des outils qui nous permettent de passer à l’action. Lors de la dernière cérémonie des César, l’actrice Adèle Haenel avait quitté la salle en s’exclamant « La honte ! » alors que le film réalisé par un pédocriminel avait gagné le César du meilleur réalisateur. Tu as alors créé le hashtag #quittonslasalle que tu as justifié en un tweet que je me permets de citer : « Quand un pédocriminel est récompensé, quand un agresseur notoire est à la tribune, quand un homme tient des propos sexistes, quand une assemblée est 100 % masculine, quand les femmes sont oubliées, moquées, injuriées. » Est-ce que ça signifie plus largement que les femmes doivent arrêter de siéger dans les institutions puisque rien que le fait de siéger contribue à légitimer de facto l’existence de ces institutions et également justifier leur existence ? Dans la même lignée, est-ce que tu penses que tous les moyens sont bons pour faire avancer la lutte ? Faudrait-il quitter toutes les institutions auxquelles on a l’accès aujourd’hui (accès parfois obtenu à la suite de luttes politiques assez lourdes) ? Je pense aussi notamment à la question de la violence qui fait débat parmi les féministes, à juste titre ; certaines disent que la violence n’a pas à exister dans le combat féministe, alors que d’autres l’ont utilisé comme les suffragettes au
début du xxe siècle quand elles se sont battues pour le droit de vote, ou alors plus récemment j’en parlais avec Vendana Shiva, qui disait que comme la violence était utilisée par la partie adverse, il n’y a pas de raison qu’on ne l’utilise pas sinon on ne gagnera pas. Il y a deux questions en une, je me permets car il ne nous reste plus beaucoup de temps.
Camille Froidevaux-Metterie Il ne s’agit pas de s’arrêter de siéger dans les assemblées : si les quelques femmes qui siègent dans nos assemblées de pouvoir partaient, ça serait dramatique ! Il s’agit de quitter la salle quand la tribune est composée exclusivement d’hommes ou lorsque des propos sexistes sont publiquement tenus. Cela m’est arrivé, à l’université, lors d’une réunion de mon département, quand un professeur a tenu des propos sexistes à l’égard d’une jeune maîtresse de conférences, je me suis levée, je lui ai dit ce que je pensais de son comportement et je suis sortie, pour signifier de la façon la plus marquante possible que ce n’était pas possible de tenir des propos pareils. Ce qu’il faut tenter d’obtenir en revanche, c’est que les femmes soient de plus en plus nombreuses dans les assemblées. On sait que c’est seulement à partir d’un ratio d’un tiers que les femmes peuvent commencer à peser sur les décisions. En ce qui concerne les moyens, c’est une question très importante. Il y a toute une partie de la lutte qui passe par l’investissement de l’espace public, ce sont les grandes marches organisées par Nous Toutes par exemple… Ces modalités d’actions sont tout à fait légitimes et enthousiasmantes. Cela dit, il me semble que tant qu’on n’aura pas enclenché le cran suivant, c’est-à-dire l’investissement de la sphère politique à proprement parler, on pourra continuer d’aller crier dans la rue, en masse, j’ai bien peur que cela ne change pas grand-chose.
Rebecca Amsellem Tu ne te dis pas qu’en fait, ça fait des années qu’on essaie d’infiltrer les partis politiques et de leur insuffler des idées féministes, notamment les partis de gauche, en disant qu’effectivement ça pourrait être bénéfique pour leur programme, et on voit qu’il y a une appropriation des idées mais c’est beaucoup de blabla. Par exemple, tout le monde est contre les inégalités salariales mais quand il est question de mettre une amende pour pénaliser les patrons qui payent plus leurs salariés hommes que les femmes, soudainement, il n’y a plus personne. Est-ce qu’on doit continuer d’essayer d’infiltrer les partis existants ou on fait comme le parti écologiste : on crée notre propre parti ? Je sais que toi tu préfères faire en sorte que les idées se diffusent au sein des partis existants, mais j’avoue que j’ai un peu perdu espoir en ces grands partis, et je pense que beaucoup de femmes et de féministes également.
Camille Froidevaux-Metterie Je suis bien d’accord, et je te rejoins hélas dans ce désespoir vis-à-vis d’une certaine gauche qui n’a pas tenu ses promesses sur ce sujet. On voit bien qu’à gauche, il y a un grand flottement généralisé, une grande dispersion. On ne voit pas qui va pouvoir faire renaître l’espoir, quel projet remobilisera les énergies. Tu disais que cela faisait plusieurs années qu’on attendait, mais ce n’est pas vrai. Les partis politiques ont toujours été extrêmement frileux et timides par rapport à ces questions féministes. Il a fallu que la gauche se casse la gueule pour se dire que, peut-être, parmi les explications de son échec politique, il y avait cette incapacité à prendre en charge un certain nombre de thématiques contemporaines sur un certain nombre de discriminations et de violences.
Rebecca Amsellem Je te propose, pour conclure, de te projeter dans une utopie féministe : je ne vais pas le cacher, c’est ma partie préférée. La révolution est faite, probablement par la génération de ta fille, des filles qui se battent pour le
droit de s’habiller comme elles veulent, et qui en ont ras le bol de cette société. C’est une société où Jeanne Deroin, une femme formidable, a plus de deux rues à son nom en France, toi aussi d’ailleurs tu as ton nom inscrit dans plusieurs rues de France pour te rendre hommage, ou femmage je ne sais pas trop, pour les travaux que tu as fait malgré les dissidences masculinistes qui auraient pu t’en empêcher. Mais ça y est. On vit enfin dans une société féministe écologiste et antiraciste : a quoi ressemble-t-elle ? Quel est le rapport des femmes à leur corps dans cette société ?
Camille Froidevaux-Metterie Je la vois comme une société dans laquelle les individus ne se définissent plus par aucune assignation genrée, les caractéristiques sexuées seraient toutes égales et toutes indifférentes, d’une certaine façon. On se serait totalement extirpés du cadre binaire, toutes les options sexuées et genrées seraient légitimes. Aujourd’hui, je travaille sur la notion de « singularité sexuée », car la difficulté pour une philosophe féministe, c’est de penser les caractères sexués, les seins par exemple, sans tomber dans le piège du différentialisme et de l’essentialisme, c’est-à-dire sans réduire ni ramener les femmes à leur corps. Une société féministe serait pour moi une société dans laquelle les modalités de nos vies incarnées seraient totalement indifférentes et invisibilisées. Chacun.e vivrait sa propre singularité sexuée, avec ce qu’elle implique de fluidité et de variabilité. Il y a quelque chose que j’aime beaucoup dans la façon dont les femmes vivent leur corps, c’est cette idée du changement perpétuel, des transformations constantes, de la fluidité. C’est quelque chose qu’on a du mal à valoriser dans une société où le modèle dominant est celui d’un corps masculin universel, constant, intangible, une forme de monolithe. J’aime cette idée que, pour ce qui concerne nos corps, rien n’est jamais définitif. Nos corps changent constamment, les transformations qu’ils éprouvent sont souvent irréversibles, par exemple avoir ses premières règles ou avoir un enfant, on ne peut revenir en arrière. C’est ce que j’explore dans mon prochain livre, ces transformations du corps des femmes qui sont simultanément intimes, sociales et politiques. L’utopie ultime, ce serait de ne plus avoir à subir le poids de ces caractéristiques incarnées qui nous enferment dans nos corps. La société féministe pleinement aboutie serait celle de l’ultime désincarnation !
Rebecca Amsellem Merci infiniment Camille. Cela nous a permis de comprendre davantage pourquoi on a ce rapport à notre corps aujourd’hui et à rêver un petit peu à demain.
Pour son prochain rendez-vous, le jeudi 26 novembre, le Club vous invite à une conférence en ligne avec Audrey Célestine, l’autrice de « Des vies de combat – Femmes, noires et libres », publié aux Editions L’Iconoclaste, et avec l’actrice Aïssa Maïga qui en signe la préface. La conférence portera sur les utopies féministes et se tiendra de 19h à 20h sur Zoom ou sur Meet. Elle sera animée par Rebecca Amsellem. Pour vous inscrire, rdv ici
« Même si mon conjoint en a fait plus, l’essentiel m’est tombé sur le dos » : comment le reconfinement risque de creuser les inégalités de genre. Marie Charrel décrit les risques liés à la récession économique sur la situation économique des femmes.
« Je ne sais pas vous, mais moi, ça ne va pas. » Dans la newsletter Les Petites Glo, Chloé Thibaud s’intéresse à la santé mentale des ados en ce moment.
Dans la newsletter « Plumes with attitude », Benjamin Perrin a rencontré Li Jin, chercheuse et entrepreneuse, et spécialiste de la « passion economy ». C’est passionnant (désolée, j’étais obligée).
L’entrepreneuse culinaire Chrissy Teigen a récemment fait une fausse couche. Elle en a parlé publiquement sur ses réseaux sociaux, aidant probablement des milliers de femmes et d’hommes qui n’osent pas face au tabou dans notre société. Elle a raconté son expérience sur Medium (en anglais).
Et si l’amitié (et non le mariage) était le centre de nos vies ? Sur The Atlantic. Cet article me fait penser à cette newsletter écrite après un été passé avec Eva et le premier livre de Dolly Alderton.
Trump a perdu, on est contente. Très contente. Kamala Harris est Vice-Présidente. On est contente. Très contente. Mais l’élection de Biden n’est pas une victoire pour tout le monde, notamment les travailleuses du sexe. Lire également l’analyse d’Alexandria Ocasio-Cortez sur l’élection de Biden dans le New York Times.
La salle d’accouchement va-t-elle devenir une zone de non-droit ? Depuis la pandémie, les droits des femmes y sont bafoués (il faut avouer que ce n’était pas terrible avant non plus).
La pandémie a aggravé les conditions de vie de nombre de travailleurs et travailleuses. Et c’est particulièrement le cas pour les travailleurSEs du sexe. On peut les soutenir ici.
On ne pose pas que des questions, on donne aussi des réponses. Pour la première enquête de la verticale « économie » des Glorieuses, Anne-Dominique Correa a découvert le secret islandais pour arriver à l’égalité salariale. On peut la lire ici.
// On recrute // Dans le cadre du lancement de la verticale « Politique » des Glorieuses, nous sommes à la recherche d’une rédactrice en cheffe / rédacteur en chef en temps plein. La fiche de poste est à consulter ici.
Histoire de donner la couleur pendant vos réunions Zoom, on propose ce mug pour faire passer tranquillement ses messages sans hausser les sourcils. Prix : 15 euros. Nombre d’exemplaires limité. On peut l’acheter ici.
La verticale « économie » des Glorieuses
On ne pose pas que des questions, on donne aussi des réponses. Pour la première enquête de la verticale « économie » des Glorieuses, Anne-Dominique Correa a découvert le secret islandais pour arriver à l’égalité salariale. On peut la lire ici.
|