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Si vous n’êtes pas invité·e autour de la table, cela signifie que vous êtes au menu.

Le 23 mai dernier s’est tenu à l’Elysée un dîner pour échanger autour de la procréation médicalement assistée. On pourrait croire que les principales concernées auraient eu un mot à dire sur la question. Et pourtant, comme le souligne l’activiste Alice Coffin, sur la vingtaine de personnes conviées, il n’y avait que deux femmes. Cela rappelle le 23 janvier 2016, lorsque le nouveau Président Donald Trump signait le décret abrogeant le Global Gag Rule coupant ainsi tous les financements d’Etats aux organisations qui sensibilisent à l’avortement. Et on vous le donne en mille, sur la photo immortalisant l’acte, Trump était uniquement entouré… d’hommes.

« Le roi est mâle, vive le roi ! »

Pour quelles raisons les femmes ont été historiquement écartées de la table des négociations ? L’historienne Mathilde Larrère et la journaliste Aude Lorriaux proposent des pistes de réflexion (Des intrus en politique, Editions du détour). A la Révolution française, les femmes demeurent exclues du pouvoir institutionnel. Les raisons ? « L’image du foyer abandonné pour la politique », « la séductrice qui profitera de ses atours pour troubler le travail législatif », « la peur d’une inversion des sexes qui féminiserait les hommes et viriliserait les femmes ». Le député Pierre-Gaspard Chaumette s’exclama ainsi à la Commune de Paris : « Au nom de cette même nature, restez ce que vous êtes, et loin de nous envier les périls d’une vie orageuse, contentez-vous de nous les faire oublier au sein de nos familles. » Quelques temps plus tard, sous la IIIème République, on utilisa l’argument de « dimorphisme sexuel » pour souligner que les femmes seraient plus pratiquantes que les hommes et donc trop influencées par l’Eglise pour entrer en politique.

Cet héritage pourrait expliquer la légitimité d’exclure les concernées des débats dont elles font l’objet. Aussi, « les femmes fustigent (…) ces assemblées d’hommes qui légifèrent sur leurs droits politiques ou sur leur corps (comme lors des débats sur la loi d’autorisation de l’IVG, en 1974, où seules neufs femmes siègent…, ce que relèvera d’ailleurs Simone Veil dans son fameux discours). » (Des intrus en politique, Editions du détour).

Celle qui a remis les femmes autour de la table

En 1979, l’artiste américaine Judy Chicago plaça 39 femmes, figures de l’Histoire occidentale, autour d’une table triangulaire équilatérale, symbole de l’égalité. « Quelle est la première chose quand vous pensez à une table (dans l’histoire de l’art)? C’est « La Cène » » raconte l’artiste. « Une des raisons pour lesquelles j’ai fait « The Dinner Party » était d’aider les femmes à voir au-delà du personnel parce que nous sommes piégées dans le personnel. « The Dinner Party » propose de se placer dans la longue Histoire des femmes, de leur contribution et de leur lutte pour l’équité et la justice ». Virginia Woolf y côtoie Christine de Pisan, Sappho, Elizabeth I, Isabella d’Este… Le plat de résistance ? Une vulve de porcelaine peinte et sculptée différemment pour chaque convive.

Ne pas être autour de la table signifie également être oubliée de l’Histoire. L’artiste précise ainsi : « Je voulais jeter le doute sur l’histoire représentée comme une histoire exacte et complète ou universelle; c’est une histoire très partielle. Je me suis dit que s’ils pouvaient écrire l’histoire entièrement d’un point de vue masculin, l’histoire pourrait être écrite entièrement d’un point de vue féminin ».
L’œuvre est toujours d’actualité. « L’effacement [des femmes de l’Histoire] est toujours en cours et nous sommes loin d’avoir des règles du jeu équitables, mais je vois tout un groupe de militantes en plein essor ». « N’abandonnez pas ! » conclut Chicago. On n’abandonne pas.

 

Crédits photo : nyclovesnyc blogpost (2011). 

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