« Je n’écris que pour découvrir ce que je pense, ce que je regarde, ce que je vois et ce que ça signifie. Ce que je veux et ce que je crains. »
Joan Didion
Joie ! Un prix Nobel pour l’égalité salariale !
On a gagné un prix Nobel. Enfin, presque. Ce lundi 9 octobre, l’économiste Claudia Goldin s’est vue attribuer le prix Nobel de l’économie, « pour avoir fait progresser notre compréhension de la situation des femmes sur le marché du travail ». Et, elle est, par la même occasion, la première femme à gagner seule ce prix. C’est historique. Car ce prix à la fois récompense une économiste brillante et légitime un pan de la recherche économique hétérodoxe peu valorisé. C’est une vraie joie. Claudia Goldin, née dans une famille juive du Bronx aux États-Unis et aujourd’hui professeur à l’université de Harvard, est reconnue pour plusieurs travaux notables dont la production de données concrètes sur la situation des femmes sur le marché du travail américain ou encore l’impact positif de la légalisation de la pilule contraceptive sur l’augmentation du nombre de femmes allant à l’université. « En 1963, Betty Friedan a écrit sur les femmes ayant fait des études universitaires qui étaient frustrées en tant que mères au foyer, notant que leur problème “n’a pas de nom”. Près de soixante ans plus tard, les femmes diplômées de l’université sont pour la plupart engagées dans une carrière, mais leurs revenus et leurs promotions, par rapport à ceux des hommes avec lesquels elles ont obtenu leur diplôme, continuent de leur donner l’impression d’avoir été lésées. Elles aussi ont un “problème sans nom”. » Ce problème sans nom, dont parle Claudia Goldin dans son dernier ouvrage, Career and Family: Women’s Century-Long Journey toward Equity (2021), en a un : il s’agit du « travail cupide » (greedy work). Cette expression reprend un terme utilisé par la journaliste Claire Cain Miller pour le New York Times (2019) pour désigner un travail qui rémunère de manière disproportionnée quelqu’un qui travaille un plus grand nombre d’heures (un homme par exemple) qu’une personne qui a moins de contrôle sur ces heures (une femme par exemple). « La personne qui fait des heures supplémentaires, le week-end ou le soir gagnera beaucoup plus – tellement plus que, même sur une base horaire, elle gagnera plus. » Les femmes – du fait des attentes sociétales qui leur sont imposées – ont moins de flexibilité dans le monde du travail et leur salaire en pâtit.
Or, Claudia Goldin insiste sur le fait que le « travail cupide » est la raison pour laquelle les inégalités salariales persistent. « Si nous voulons réduire, voire éradiquer l’écart salarial, nous devons d’abord nous attaquer plus profondément à la racine de ces revers et donner au problème un nom plus précis : le travail cupide », écrit-elle. Son travail a permis de mettre en évidence que les salaires des hommes et des femmes sont similaires juste après avoir terminé les études. Pareil pour les premières années où, à travail égal et expérience égale, les écarts sont faibles. En revanche, dix ans après la fin des études, les écarts se creusent considérablement – au moment de l’âge moyen du premier enfant. « Pourquoi les femmes ne parviennent-elles pas à gravir les échelons de l’entreprise au rythme de leurs homologues masculins ? Pourquoi ne sont-elles pas rémunérées à la hauteur de leur expérience et de leur ancienneté ? » se questionne-t-elle. La réponse est la flexibilité demandée par le « travail cupide ». « La cupidité du travail fait que les couples avec des enfants ou d’autres responsabilités de garde gagneraient à se spécialiser un peu. Cette spécialisation ne signifie pas un retour dans un monde old school. Les femmes poursuivront toujours des carrières qui demandent beaucoup. Mais un membre du couple sera de garde à la maison, prêt à quitter le bureau ou le lieu de travail à tout moment. Cette personne occupera un poste très flexible et ne sera généralement pas censée répondre à un e-mail ou à un appel à 22 heures. Ce parent n’aura pas à annuler sa présence à un entraînement de football en cas de fusion et acquisition. L’autre parent, quant à lui, sera de garde au travail et fera exactement le contraire. L’impact potentiel sur la promotion, l’avancement et les revenus est évident. » Tant que le monde du travail ne remettra pas en cause cette soi-disant nécessaire flexibilité, les inégalités salariales perdureront. « La valeur des emplois cupides a considérablement augmenté avec l’augmentation des inégalités de revenus, qui ont grimpé en flèche depuis le début des années 1980. Les revenus situés à l’extrémité supérieure de la répartition des revenus ont explosé. Celui qui saute le plus haut reçoit une récompense toujours plus importante. Les emplois exigeant le plus de longues heures de travail et le moins de flexibilité ont été mieux payés de manière disproportionnée, tandis que les revenus des autres emplois ont stagné. Ainsi, les postes qui ont été les plus difficiles à accéder pour les femmes, comme ceux dans la finance, sont précisément ceux qui ont connu les plus fortes augmentations de revenus au cours des dernières décennies. L’associé en capital-investissement qui mène à bien la transaction du début à la fin, qui a réalisé la modélisation difficile et qui a assisté à chaque réunion et dîner de fin de soirée aura toutes les chances d’obtenir un gros bonus et la promotion tant convoitée. » « Il existe encore de grandes différences entre les femmes et les hommes en termes de profession, de salaire, etc. », a déclaré Claudia Goldin à Reuters en réaction à son prix Nobel. « Et la question est : pourquoi est-ce le cas ? Et c’est de cela dont parle mon travail. » Cette reconnaissance représente une distinction importante pour la lutte pour l’égalité entre les femmes et les hommes et un pas certain de plus vers l’égalité salariale partout dans le monde. Une vraie joie.
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