Votez pour les droits des femmes, ne votez pas pour l’extrême droite par Rebecca Amsellem et Megan Clement Rendez-vous dans la newsletter Impact lundi matin pour l’analyse des résultats du premier tour. Lire la newsletter en ligne ici https://lesglorieuses.fr/votez/ L’arrivée de l’extrême droite au pouvoir ne changera rien, même si vous êtes une femme. C’est ce qu’affirme Jordan Bardella, le président du Rassemblement national, lorsqu’il poste un message pour les femmes affirmant qu’il pourrait être « le Premier ministre qui garantira de manière indéfectible à chaque fille et à chaque femme de France ses droits et ses libertés » (Mediapart). Ce n’est pas la première fois que le parti d’extrême droite se livre à une rhétorique féministe : l’enjeu électoral du Rassemblement national (et avant cela du Front national) a été d’accroître leur électorat féminin. Et la stratégie fonctionne. La philosophe Camille Froidevaux-Metterie expliquait que si le parti d’extrême droite a été le grand gagnant des élections européennes en France, c’est parce qu’il a gagné dix points parmi les électrices femmes, « passant de 20 % à 30 % (Ipsos). Un autre sondage (IFOP) avance même le chiffre de 32 %, les plaçant devant les hommes » (Le Monde). Que se passe-t-il dans leur vie et dans leur tête pour qu’elles votent de manière aussi évidente contre leurs intérêts ? Rien de nouveau, aurait pu répondre Simone de Beauvoir, « Elles vivent dispersées parmi les hommes, rattachées par l’habitat, le travail, les intérêts économiques, la condition sociale à certains hommes – père ou mari – plus étroitement qu’aux autres femmes, écrivait-elle dans Le Deuxième Sexe (Éditions Gallimard, 1949). Bourgeoises, elles sont solidaires des bourgeois et non des femmes prolétaires ; blanches, des hommes blancs et non des femmes noires. » Les femmes n’ont jamais voté pour leurs intérêts car il leur a été enseigné de ne pas se penser comme « sujet». « Les femmes – sauf en certains congrès qui restent des manifestations abstraites – ne disent pas “nous” ; les hommes disent “les femmes” et elles reprennent ces mots pour se désigner elles-mêmes ; mais elles ne se posent pas authentiquement comme sujet. » Dès lors, il est admis dans ce groupe que leurs intérêts sont une variable d’ajustement qui peut se faire au détriment d’autres intérêts, à l’intérêt politique plus légitime. Peut-on continuer à se satisfaire de cette situation ? Évidemment, non. Nous devons crier haut et fort que les femmes peuvent et doivent voter avant tout dans leur propre intérêt, car personne ne le fera à leur place. Collage réalisé par mes soins Fidèles lectrices des Glorieuses, fidèles lecteurs, on ne vous apprend rien, nous vous savons convaincus. Voici en revanche quelques éléments pour éventuellement convaincre les réfractaires qui semblent de plus en plus nombreux – et nombreuses – dans notre entourage. Bardella et Marine Le Pen veulent faire croire aux femmes que les hommes immigrés représentent la plus grande menace pour leur sécurité et leur liberté. Mais l’actualité politique montre que c’est le Rassemblement national, ses collègues en France et ses alliés en Europe qui représentent le plus grand danger pour les femmes et les minorités de genre. C’est l’extrême droite qui interdit l’avortement, le financement de la contraception, supprime les droits parentaux des femmes lesbiennes, s’oppose à l’égalité salariale, restreint les soins de santé pour les personnes trans, rejette l’égalité du mariage et bloque le droit à la procréation médicalement assistée pour tous. L’extrême droite aux portes du pouvoir est plus qu’une catastrophe féministe, c’est un échec sociétal. L’arrivée de l’extrême droite au pouvoir ne changera rien, même si vous avez une origine étrangère. Bardella a déclaré que « nos compatriotes d’origine étrangère ou personnes de nationalité étrangère présents dans notre pays, qui travaillent, paient leurs impôts, respectent la loi et aiment notre pays, n’ont absolument rien à craindre de notre politique ». Mais une règle de base en politique est de savoir que, si quelqu’un vous dit que vous n’avez rien à craindre, vous avez probablement tout à craindre. Comment les femmes peuvent-elles être libres et en sécurité avec un Premier ministre dont le parti a été cofondé par un membre de la SS Waffen et un homme condamné à plusieurs reprises pour discours de haine antisémite, un parti dont la politique en 2022 était d’interdire le hijab dans l’espace public ? Comment les femmes peuvent-elles être libres et en sécurité avec un gouvernement qui interdirait aux citoyen·nes ayant une double nationalité l’accès aux fonctions publiques et aux immigrant·es le droit au logement et à l’aide sociale ? Comment les homosexuel·les peuvent-ils n’avoir rien à craindre d’un parti allié au Hongrois Victor Orban, auteur d’une « loi anti-LGBT » en 2021, ou qui fait campagne contre la « propagande LGBT » au sein même du Parlement français ? L’arrivée de l’extrême droite au pouvoir ne changera rien, avons-nous commencé par écrire ironiquement. C’est vrai. L’arrivée de l’extrême droite au pouvoir ne changera rien, s’il se trouve que votre peau est assez blanche, que vos parents sont nés en France, que vos grands-parents sont nés en France, et que votre héritage ne vous a pas laissé avec deux nationalités. L’arrivée de l’extrême droite au pouvoir ne changera rien, s’il se trouve que vous avez choisi d’être avec un homme si vous êtes née femme et d’être avec une femme si vous êtes né homme. L’arrivée de l’extrême droite au pouvoir ne changera rien, s’il se trouve que vous êtes une femme, oui, mais que vous vivez cette expérience merveilleuse : jamais dans votre vie, vous ne subirez une agression sexuelle, jamais dans votre vie, vous ne douterez de votre envie d’avoir des enfants, l’un après l’autre sans s’arrêter, ni que jamais dans votre vie, vous n’aurez la prétention de gagner autant qu’un homme. L’arrivée de l’extrême droite au pouvoir ne changera rien, sauf si vous vivez en France. Mes recommandations de la semaine Voter.
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