« Si on met chercheuse, personne ne va venir t’écouter ». Il y a quelques années, un producteur d’événements conseilla à la Professeure de travail social Brené Brown de dire qu’elle était « conteuse » et non « universitaire » pour attirer pour de personnes à ses conférences. Son côté chercheuse-peu-sure-d’elle-même était RAVIE, vous vous en doutez. « Tu rigoles j’espère ! » répondit-elle. Elle réfléchit un peu et elle proposa un juste milieu « Dis que je suis une chercheuse-conteuse ». « Mais… ça n’existe pas ! ». “Peu importe, je suis une chercheuse-conteuse”.
Brené Brown, la chercheuse-conteuse, a étudié pendant dix ans pourquoi les personnes se lient entre elles, se réunissent, ou encore décident de vivre un bout de leur vie ensemble. Et elle a découvert la raison principale. La vulnérabilité. En effet, pour que cette connexion se fasse, il faut laisser les personnes nous voir, nous voir pour de vrai, pas uniquement la meilleure version de nous-mêmes.
Ceci étant dit, la chose n’est pas aisée à faire. Nous détestons nous montrer vulnérables. Les personnes qui n’ont pas honte de se montrer sous un jour plus fragile ont toutes ceci en commun : ce sont des personnes sincères, qui estiment, à juste titre, qu’elles ont droit à l’amour et à faire partie d’une communauté. Brené Brown précise que ce sont des personnes courageuses, dans le sens premier du terme. Courage vient du latin cor qui veut dire coeur et signifiait pouvoir raconter l’histoire de sa vie avec tout son coeur. Ce sont également des personnes qui ont de la compassion pour elles-mêmes dans un premier temps et de la compassion pour les autres dans un second temps. Enfin, ces personnes créent des liens avec d’autres personnes grâce à l’authenticité de leur comportement. Elles ne prétendent pas être quelqu’un d’autre.
Sommes-nous toutes des personnes authentiques ? Ce serait difficile d’y prétendre. Mais nous pouvons attendre des moments d’authenticité en nous repêmant, pour reprendre le mot de l’anthropologue Françoise Héritier. “En nous quoi ?” On vous entend d’ici… Françoise Héritier explique dans son dernier ouvrage Au gré des jours, qu’après une période difficile, stressante, nous sommes par essence fatiguées. C’est alors le moment de regagner en authenticité et en vulnérabilité. Il faut se repêmer, à savoir “reprendre souffle, reprendre des forces, jambes étendues droit devant soi (…), [c’est comme] ramasser du bout de l’index mouillé les larges miettes abandonnées sur la table. » Se repêmer, c’est prendre le temps de se ressourcer pour s’accepter. Se repêmer (décidément, ce mot est magnifique), permet de lâcher prise, de s’éloigner de la personne qu’on pensait vouloir être pour accepter son soi profond. Et c’est cette acceptation fondamentale qui permettra de se lier à une nouvelle personne.
Brené Brown précise que ce qui nous rend vulnérable est aussi ce qui nous rend beaux et belles. Cela implique de se lancer dans l’incertain : dire “je ne sais pas si cela va fonctionner” et se lancer quand même dans une nouvelle aventure, dire “je vais souffler un peu” et partir en vacances, dire “je t’aime” pour la première fois (ou, dans une moindre mesure, textoter “on se voit?”, on ne juge pas). On se lance ?
Crédit photo : Tanja Heffner