Mardi 22 février 2022 We Should All Be Scientists*Dans une classe remplie de garçons, en prépa scientifique, Léa, 19 ans, termine sa séance de travaux pratiques quand elle entend le professeur lui dire de faire la vaisselle. “Parce que c’est mon rôle en tant que femme“, précise-t-elle. “Il fait passer ça pour de l’humour, mais ça fait mal.“ Selon les derniers chiffres de la Direction de l’Évaluation de la Prospective et des Performances (DEPP), les filles ne sont que 30,9% en classes préparatoires aux grandes écoles scientifiques, donc largement minoritaires. Et quelle est la cause principale de cette situation plutôt préoccupante…? Le sexisme, bien sûr ! De mon temps, en 2006 (aoutch), quand j’ai dû choisir ma spécialité pour le bac, je me souviens parfaitement de l’ambiance qui régnait dans mon lycée où il n’y avait qu’une classe littéraire. Nous vivions en plein ClichéLand : la littérature, la philo ? C’est pour les gonzesses. Les maths, la physique ? C’est pour les bonhommes, ma gueule ! Moi, ça m’arrangeait bien, parce que j’étais nulle en maths et que je voulais déjà devenir journaliste. Mais, je me suis plusieurs fois posé la question : est-ce que je n’étais pas nulle en maths parce qu’on m’avait toujours dit que je serai nulle en maths ? J’ai discuté avec Anaëlle Gateau, 23 ans, qui est en Master de microbiologie et actuellement présidente de l’Association fédérative nationale des étudiant·e·s universitaires scientifiques (AFNEUS). Cette asso a été créée en 1992 et elle travaille depuis dix ans sur la problématique des femmes en sciences. Autrement dit, Anaëlle et ses collègues maîtrisent le sujet. “Les inégalités démarrent très tôt, dès l’école primaire, m’explique-t-elle. Elles sont liées à des préjugés sociétaux ancrés qu’on a beaucoup de mal à faire bouger. Par exemple, de vieilles théories scientifiques expliquaient que le cerveau des hommes et celui des femmes étaient différents. Dans leur éducation, les garçons faisaient donc des maths pendant que les filles avaient des cours de couture et de ménage… Même si ces théories ont été réfutées, les enseignants et les parents continuent – sans le vouloir, parfois – d’appuyer ces stéréotypes.“ Après son bac scientifique, Laurette, 23 ans, s’est orientée vers une prépa pour intégrer une école d’ingénieurs. Alors qu’au lycée sa classe était composée d’autant de filles que de garçons, les disparités sont apparues dans l’enseignement supérieur. Elle me raconte :
Laurette rapporte qu’elle n’a en revanche jamais reçu de remarques désagréables de la part des étudiants et qu’elle a pu trouver du réconfort auprès de la direction et de certains professeurs qui les ont soutenues, elle et ses amies que le prof appelait “les pintades du fond“. En effet, une étude menée par le Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes (HCE) s’appuyant sur les travaux de chercheuses féministes telles que Nicole Mosconi révèle que les profs ont des pratiques pédagogiques différenciées vis-à-vis des filles et des garçons. Un “double standard“ qui s’observe notamment dans la notation, comme le développe Anaëlle : “Sur les bulletins des filles, on va lire des appréciations comme ‘fait de son mieux’,’donne tout ce qu’elle a’ ; sur celui des garçons ‘n’est pas au bout de ses capacités’, ‘peut mieux faire’. À première vue, on a l’impression que les bulletins des filles sont meilleurs mais, en réalité, ce sont les garçons qu’on encourage à se dépasser, en laissant supposer que les filles, elles, ne pourront pas aller plus loin.“ Laure, qui vient de finir un Master intégré en biologie cellulaire, témoigne de cette réalité. “Au lycée, malgré de très bonnes notes en maths, je me sentais moins ‘matheuse’ que les garçons de ma promotion, confie la jeune femme de 22 ans. Cela a dû jouer de ne pas avoir de prof qui me disait que j’étais vraiment bonne, peut-être que j’aurais pris des options plus mathématiques que la biologie si l’on m’avait dit les bonnes choses.“ Vous avez sûrement suivi (subi) la réforme du bac et du lycée mise en place par Jean-Michel Blanquer à la rentrée 2019, supprimant les filières au profit des spécialités. Le ministre de l’Éducation a beau affirmer que cela n’exclut pas davantage les filles des filières scientifiques, l’AFNEUS tire la sonnette d’alarme et juge sa réforme “bancale et délétère“. “C’est difficile de comparer puisque le système a changé, détaille Anaëlle, mais en 2019 nous étions enfin arrivés à la parité en S, alors qu’en 2021 la part de filles ayant choisi les maths comme spécialité n’est que de 38,6%, soit le même taux qu’en 1994 ! En deux ans, il vient de balayer 25 ans d’efforts.“ Selon elle, le fait que les maths ne soient plus obligatoires est désastreux car cela ne laisse plus la chance aux filles de s’épanouir dans la matière. “Elles n’avaient peut-être pas forcément envie d’aller vers les maths ou elles y allaient parce qu’elles avaient de bonnes notes, mais les maths et la physique-chimie vont souvent ensemble et cela leur permettait de découvrir ces matières et de pouvoir s’y orienter ensuite. Aujourd’hui, beaucoup de filles ne vont qu’en SVT…“ Or, le monde a besoin de mathématiciennes, de physiciennes et de chimistes. Avant de finir notre interview, Anaëlle me parle de “l’effet de harem“. “C’était un processus, dans les sciences, où les hommes engageaient des femmes pour faire les petits calculs, les trucs pas assez intéressants pour eux. Le grand exemple c’est Edward Pickering qui était professeur d’astronomie à Harvard au XIXème siècle. Il a embauché des dizaines de femmes pour faire des économies et calculer les positions des étoiles. On les appelait les ‘calculatrices humaines’. Elles faisaient tout et, lui, il publiait leurs découvertes sous son nom…“ Rassurez-vous, tout cela a quand même évolué ! C’est d’ailleurs le message que Laure souhaite faire passer. En deuxième année, celle qui supervisait son stage d’été a changé sa vie. “C’était une féministe décomplexée, fière de l’être, drôle, humaine et une excellente scientifique. Je me suis dit : wouah, en fait je peux être scientifique, je peux tout être. C’est tellement important la représentation parce que ça crée de l’espace pour se laisser exister !“ Les Petites Glo, je vous invite à découvrir la vie de Williamina Fleming, la calculatrice en cheffe qui, tout en étant mère célibataire, a recensé plus de 10.000 étoiles et mis en place une méthode de classification encore utilisée aujourd’hui. Une grande dame qui rappelle que vous avez tout·e·s le potentiel pour devenir vous-mêmes des étoiles.
Les recommandations de ChloéDiagnostiquer rapidement l’endométriose grâce à un test salivaire ? L’idée est géniale. Une société française vient de présenter un “Endotest“ qui a été évalué sur 200 femmes avec un résultat fiable à quasiment 100%. Il n’est pas encore disponible à la vente mais on l’attend avec impatience ! Une personne sur dix pense que les femmes prennent du plaisir à être forcées lors d’une relation sexuelle. C’est ce que révèle le dernier rapport de l’association “Mémoire Traumatique et Victimologie“. Le chiffre a baissé (il est passé à 11% contre 21% en 2016) mais une sur dix, ce n’est toujours pas zéro. La preuve que nous devons continuer chaque jour à lutter contre la culture du viol. “Quand tu fais ça, tu te sens validé par les gars de ton groupe. Et en plus tu as le frisson du jeu.“ Vous kiffez les paris sportifs ? Dans cet article de Slate, Thomas Messias raconte qu’ils font fureur chez les lycéens (et rappelle qu’ils sont interdits aux moins de 18 ans…). Elvire Duvelle-Charles, activiste et créatrice de Clit Révolution, vient de publier Féminisme et réseaux sociaux aux éditions Hors d’atteinte. C’est un essai brillant sur la grandeur et la décadence de ces plateformes que nous utilisons tous les jours, et une réflexion puissante sur le monde de l’influence (pas si) virtuelle. La rappeuse québécoise Marie-Gold a sorti récemment un album-concept archi cool, Bienvenue à Baveuse City. Je suis sûre que vous allez aimer le clip de “Maison de Dicks“. Avant de partir, notez bien dans vos agendas que le 4 mars au soir, sur Téva, sera diffusé Grosses : le poids de la réussite, un documentaire magnifique réalisé et incarné par Aline Thomas. Coach sportif, cantatrice, kinésithérapeute, illustratrice, chanteuses… Elle donne la parole à huit femmes grosses qui déconstruisent les idées reçues sur les soi-disant limites de leur corps. J’ai eu la chance de le voir en avant-première, et je n’ai pas arrêté de sourire et de pleurer. Il ne faut pas que vous le manquiez ! Les dernières newsletters Gloria MediaAlexandria Ocasio-Cortez sur l’espoir et sur ce qui change vraiment le monde, Les Glorieuses, 16 février 2022 Le #MeTooUniv au Maroc ; l’avortement en Équateur et au Chili ; l’interdiction en France des thérapies de conversion ; et plus, Impact, 14 février 2022 La vie est trop courte pour qu’on se fasse petites, Les Petites Glo, 8 février 2022 Comment les systèmes de vente multiniveau s’appuient sur les normes de genre pour réussir, Economie, 10 décembre 2021 |
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