Les Glorieuses est une newsletter hebdomadaire qui vous propose un regard féministe sur l’actualité. Notre devise : Liberté Égalité Sororité. Dites-nous ce que vous en pensez [email protected] 🙂 Mercredi 12 Septembre 2018 C’est votre collègue qui refuse de se teindre les cheveux, c’est votre tante qui n’a jamais voulu d’enfant et qui essuie, à chaque repas de famille, les regards plein de pitié, c’est votre amie qui vous présente son nouveau mec toujours plus jeune. Ce sont toutes celles qui ont refusé de se conformer à ce qu’on attendait d’elles. Ce sont elles les sorcières. Toutes celles qui ne se sont pas pliées aux injonctions sociétales. Dans Sorcières, la puissance invaincue des femmes, Mona Chollet fait le pari de décrire les sorcières des temps modernes (ed. Zones). Celles qui sont brûlées qui sur le bûcher du Twitter public à coup de « elle est folle ». Qui sont ces sorcières ? Les femmes qui ne veulent pas d’enfants, celles qui regrettent d’être mères, celles qui refusent de se conformer aux idéaux de beauté et laissent leurs cheveux blancs. Les hystériques. Les aventurières. Les vieilles. « La sorcière, commence Mona Chollet, incarne la femme affranchie de toutes les dominations, de toutes les limitations ; elle est un idéal vers lequel tendre, elle montre la voie ». Les sorcières sont celles qui ne se soumettent pas. Or, pour reprendre les propos de Silvia Federici citée par Mona Chollet, le système capitalistique repose sur une main d’œuvre gratuite composée de personnes considérées comme inférieures par les celles qui détiennent le pouvoir : les esclaves, les peuples colonisés, les femmes. Aussi, le travail gratuit des femmes (essentiellement domestique mais également dans leurs activités professionnelles)(coucou Vera Nabokov) est essentiel à la domination masculine. Cette domination va de pair avec la délégitimation d’un savoir qui ne serait pas « universel » au sens d’accepté par les populations dominantes. Par exemple, les guérisseuses étaient accusées de sorcellerie. Alors qu’« elles soignaient aussi les malades et les blessés, ou aidaient les femmes à accoucher. » Ce nouveau savoir légitime s’est accompagné d’une « une science arrogante, nourrie de mépris à l’égard du féminin, associé à l’irrationnel, au sentimental, à l’hystérie, à une nature qu’il s’agissait de dominer. » Les sorcières sont celles qui disent la vérité ou #metoo version 1679. Mona Chollet reprend le propos de Anne L. Barstow pour expliquer pourquoi les femmes ont commencé à se taire. « Il y avait de quoi se sentir incitée à faire profil bas, comme en témoignent certaines affaires, commence Chollet. En 1679, à Marchiennes, Péronne Goguillon échappe de peu à une tentative de viol par quatre soldats ivres qui, pour la laisser tranquille, lui extorquent la promesse de leur verser de l’argent. En les dénonçant, son mari attire l’attention sur la mauvaise réputation antérieure de sa femme : elle est brulée comme sorcière ». Si les femmes ne parlent pas, ce n’est pas parce que ce ne serait pas dans leur « nature », mais bien parce qu’historiquement, lorsqu’elles parlaient, elles étaient accusées de sorcellerie et brûlées. Aux origines du mythe de la perfection. Les accusations de sorcellerie étaient une manière de contrôler les gestes des femmes et susciter la peur chez toutes celles qui auraient une quelconque velléité de déviance. « Toute tête féminin qui dépassait pouvait susciter des vocations de chasseur de sorcières. Répondre à un voisin, parler haut, avoir un fort caractère ou une sexualité un peu trop libre, être une gêneuse d’une quelconque manière suffisait à vous mettre en danger. » Et, au-delà de la volonté de restreindre les ambitions des femmes, il s’agissait de faire en sorte qu’elles concentrent leur attention à être « parfaite ». Comme je le rappelais il y a quelques temps, l’idéal de la femme « moderne » repose sur une attente impossible. Il faut à la fois être une mère parfaite, une femme romantique, avoir un intérieur magnifique et rougir au moindre compliment. Ce n’est pas tout. En plus de cela, il faut être une sportive hors pair, être forte, performante au lit et indépendante financièrement. Le résultat ne se fait pas attendre : cela donne une génération qui craque dans cette volonté d’atteindre la perfection. « Dans une logique familière aux femmes de toutes les époques chaque comportement et son contraire pouvaient se retourner contre vous : il était suspect de manquer la messe trop souvent, mais ils tait suspect aussi de ne jamais la manquer ; suspect de se réunir régulièrement avec des amies, mais aussi de mener une vie trop solidaire… ». « Si vous êtes une femme et que vous osez regarder à l’intérieur de vous-même, alors vous êtes une sorcière ». Le manifeste de WiTCH (Women’s international terroriste Conspiracy from Hell), New York, 1968 et épigraphe de « Sorcières, la puissance invaincue des femmes » est toujours d’actualité. Les sorcières sont toutes celles qui refusent de se conformer à une perfection attendue ou à une parole pudique. Les sorcières sont toutes les femmes qui font le choix de mener la vie qu’elles souhaitent sans s’attarder sur des schémas qui n’ont pas lieu d’exister. Cette année, soyons toutes des sorcières. P.S. Ce sujet vous a plu ? On vous conseille ces newsletters : « Nul ne m’arrêtera », oubliez Olympe de Gouges, les sorcières sont les premières féministes ; « Vous êtes trop émotives« , say what ? ; ou encore celle-ci sur la fin du mythe de
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