Mercredi 22 février 2023 Si cette newsletter vous a été transférée, vous pouvez vous inscrire ici. Si cette newsletter ne vous a pas été transférée, vous pouvez la transférer à quelqu’un avec vous souhaiteriez voir l’expo dont on va parler 🙂 Si vous en avez marre qu’on vous parle de transfert de newsletter, je comprends. Moi aussi. *** 10 fois deux places sont à gagner pour visiter la rétrospective consacrée à Zanele Muholi à la Maison européenne de la photographie (jusqu’au 21 mai 2023, à Paris) soit en répondant à cet email soit en participant ici. « Montrer que nous existons » – Zanele Muholi à la MEP. *** avant de commencer – vous faites quelque chose pour la journée / semaine / mois dédiée aux droits des femmes ? Envoyez-nous les infos et nous les mettrons dans la newsletter *** « Ces photos appuient notre Constitution. Elles sont un témoignage visuel de notre époque, pour montrer que nous existons*. » L’artiste Zanele Muholi, présentant l’exposition qui lui est consacrée à la Maison européenne de la photographie, cite une première victoire : « La Constitution sud-africaine, dit-elle, est la plus égalitaire au monde. » Établie en 1996, il y est indiqué noir sur blanc à l’article 9 que l’État ne peut discriminer injustement une personne du fait de « sa race, son genre, son sexe, sa grossesse, son état matrimonial, son origine ethnique ou sociale, sa couleur de peau, son orientation sexuelle, son âge, son Puis Zanele Muholi présente une seconde victoire. Ces photos, dit l’artiste, sont un hommage à nos ancêtres qui n’ont pas eu l’opportunité de s’exprimer. Citée par Candice Janser, Muholi explique que le fait d’exister dans les archives visuelles permet de contribuer à l’enseignement d’une histoire qui est tue, elle permet de repenser la manière dont l’histoire est racontée et de comprendre qu’il est possible de se la réapproprier (Catalogue de l’exposition rétrospective, éditions Bernard Chauveau). Être « activiste visuel·le », comme Muholi, c’est proposer une nouvelle « norme » là où on pourrait avoir un « point de vue ». BEING LiZa I, 2009 « Photographier, c’est s’approprier l’objet photographié, écrivait d’ailleurs l’essayiste Susan Sontag. C’est entretenir avec le monde un certain rapport qui s’éprouve comme rapport de savoir, et donc de pouvoir. » (Sur la photographie, traduit par Philippe Blanchard avec la participation de S. Sontag, Christian Bourgois éditeur, initialement publié en anglais en 1973.) Le travail de Zanele Muholi est un écho direct aux mots de Susan Sontag. L’acte même de photographier des corps de femmes qui s’aiment, de se photographier elle-même aussi participe de cette réappropriation de l’histoire. « Il est à mes yeux essentiel d’afficher le prénom et le nom des participant·e·s que je photographie, c’est une question de respect élémentaire. C’est pour moi la base de tout processus participatif. Je veux en effet m’inscrire en faux contre l’imaginaire anthropologique du passé. Les personnes prises en photo étaient alors appelées “enfant noir”, ou “femme noire pauvre” et leurs noms étaient effacés de l’Histoire. Je veux absolument éviter de reproduire cette pratique. Je commence donc par nommer, par donner le nom de la personne et par apprendre à la connaître : cela me permet de ne rien projeter sur elle. » Zanele Muholi, de par cette pratique photographique, participe au démantèlement de ce que Toni Morrison nomme la « domination culturelle » (Playing In The Dark : Whiteness and the Literary Imagination, Vintage Books, 1992 **). La lauréate du prix Nobel de Littérature entend ici qu’en littérature un savoir [elle parle ici de la « construction de l’Africanisme » aux États-Unis], du fait de l’évolution de « la critique », passe d’un contenu considéré comme seulement « inventif » à un contenu considéré comme étant une « révélation ». Toni Morrison précise qu’elle s’intéresse ici à la façon « dont les agendas de la critique se sont déguisés et, ce faisant, ont appauvri la littérature qu’elle étudie ». SOMNYAMA Bona, Charlottesville, 2015 C’est la même chose pour la photographie. En s’appropriant l’interprétation de ses photographies, en donnant un nom aux participant·e·s, en évitant d’imposer une vision, en apprenant à connaître les personnes photographiées, Zanele Muholi déplace la « domination culturelle ». Ce n’est plus l’artiste qui choisit mais c’est l’artiste et le ou la participant·e qui choisissent ensemble. Et en se prenant comme sujet, l’artiste propose d’aller plus loin dans « l’appropriation du sujet photographié » ou dans la remise en cause de la « domination culturelle ». L’acte de se prendre en photo est à la fois un moyen de se légitimer comme sujet pertinent et un moyen d’accompagner la pratique « d’activisme visuel·le ». « En ce qui concerne les autoportraits, précise ainsi Zanele Muholi, j’ai dû apprendre à m’aimer moi-même, à ne pas m’oublier. En effet, quand on est activiste, c’est beaucoup trop facile d’absorber la douleur des autres. De nombreu·x·ses activistes en sont d’ailleurs mort·es : ils et elles ont succombé à la maladie, à la dépression faute d’échappatoire, de forme d’art qui leur aurait permis de s’évader. En effet, personne ne comprend vraiment ce que c’est de militer. On s’attend toujours à ce que vous donniez tout […]. En réalisant ces autoportraits, je voulais me souvenir de moi-même et me remettre au centre. » Zanele Muholi ne photographie pas pour proposer un point de vue, mais pour se réapproprier une histoire. Et créer une nouvelle norme. Et je me rends compte qu’on est presque à la fin de cette newsletter et que j’ai complètement oublié de présenter l’artiste. Zanele Muholi est un·e activiste visuel·le, a 50 ans, et se définit comme non binaire. En plus de son travail de photographe, son engagement est très reconnu, notamment le fait d’avoir cocréé FEW – Forum for the Empowerment of Women, une organisation féministe à but non lucratif qui œuvre pour que les lesbiennes noires puissent accéder à de meilleurs logements, de meilleurs soins ainsi qu’à de meilleurs études. La rétrospective de Zanele Muholi à la MEP est géniale, je crois que le message est passé. * sauf mention contraire les mots de Zanele Muholi ont été prononcés lors d’une visite de l’exposition à la MEP le 31 janvier 2023 et ont été traduits lors de cette visite par Maude Morrison (Aster Interpreting). ** ces traductions sont de moi-même. CONCOURS – 10 fois deux places sont à gagner pour visiter la rétrospective consacrée à Zanele Muholi à la Maison européenne de la photographie (jusqu’au 21 mai 2023, à Paris) soit en répondant à cet email soit en participant ici. Pour celles et ceux qui ont lu la newsletter de la semaine dernière, j’ai oublié de mettre cette capture d’écran qui illustrait pourtant tout le génie de Monica Lewinsky. Si vous êtes abonnée entre-temps et que vous souhaitez lire la newsletter pour comprendre le sens de cette cap écran dans une newsletter qui porte sur un·e photographe queer vivant en Afrique du Sud, c’est ici.
|
Inscrivez-vous à la newsletter gratuite Les Glorieuses pour accéder au reste de la page
(Si vous êtes déjà inscrit·e, entrez simplement le mail avec lequel vous recevez la newsletter pour faire apparaître la page)
Nous nous engageons à ne jamais vendre vos données.