"Les seuls moments où elles s'ouvraient et s'animaient vraiment étaient ceux de nos discussions autour des livres. Les romans nous permettaient d'échapper à la réalité parce que nous pouvions admirer leur beauté, leur perfection, et oublier nos histoires de doyens, d'université et de milice qui arpentait les rues".
Azar Nafisi
#8Novembre16h48 Pour plus d'autonomie économique des femmes.
par Rebecca Amsellem (pour me suivre sur Instagram, c’est là et sur Linkedin c’est ici)
Dans moins de 10 jours, les femmes devraient théoriquement s’arrêter de travailler du fait des inégalités salariales. Pour celles et ceux qui le découvrent, le mouvement du #8Novembre16h48 est notre campagne annuelle en faveur de l’égalité salariale et de l’autonomisation économique des femmes.
En 2024, les femmes continuent d’être moins bien rémunérées que les hommes pour un travail identique, avec une expérience identique.
Elles continuent d’être moins bien rémunérées que les hommes pour un travail qui nécessite pourtant des compétences égales (lire la newsletter La Preuve de la semaine sur le sujet).
Elles continuent d’avoir davantage recours au travail partiel, moins bien rémunéré à l’heure.
Ces inégalités sont dues à de multiples facteurs, le « travail cupide » en est un.
La naissance d’un enfant en est un autre. Celle-ci a des conséquences tangibles sur la place des femmes dans le monde professionnel, indique Ariane Pailhé, directrice de recherche à l’Institut national d’études démographiques (Ined) dans l’ouvrage Atlas mondial des femmes (Attané, I., Brugeilles, C., & Rault, W. (2024). Atlas mondial des femmes: Un recul des inégalités ?. Autrement ). « Gérer de front charges familiales et activités professionnelles est particulièrement difficile pour les mères de jeunes enfants, ce qui génère un surcroît de stress et de fatigue. » Certaines s’arrêtent, d’autres ont recours au temps partiel, d’autres encore disent « non », de plus en plus. « Non » à cette promotion à laquelle elles rêvent, « non » à ce projet de peur de « manquer de temps ».
« Dans de très nombreux pays, écrit Ariane Pailhé, les mères de très jeunes enfants s’arrêtent totalement de travailler, alors que beaucoup d’entre elles auraient préféré conserver leur emploi. Mais l’absence de structure de garde adéquate ou financièrement abordable est souvent un motif de cessation d’activité. » Cette disparition n’est pas que l’affaire de politiques publiques. Il s’agit également de la répartition des responsabilités et des tâches parentales. Je parlerai de « parent pilier ». Celui (celle) qu’on appelle et qui se déplace pour les urgences à l’école, celui (celle) qui s'investit régulièrement, durablement. C’est ce parent pilier qui va lentement disparaître du monde du travail.
Les femmes sont les éternelles variables d’ajustement. Elles s’adaptent au monde du travail. Elles s’adaptent aux urgences. Elles s’adaptent aux changements de vie. Elles sont le parent pilier. Et tant que ce pilier ne sera pas équitablement partagé, les inégalités dues à cette situation persisteront.
Ces différences de rémunération, qui nécessitent une variable d’ajustement, ont des conséquences sur l’autonomie économique des femmes. Isabelle Attané, démographe à l’Ined et chercheuse associée à l’EHESS définit l’autonomisation économiques des femmes dans le même Atlas évoqué plus tôt, par la mise en place de politiques pour assurer un accès égal des femmes et des hommes aux ressources économiques. L’autonomisation économiques des femmes était évoquée dans le programme d’action de Beijing en 1995 qui mentionnait par exemple la propriété foncière, le crédit, l’héritage… Cette autonomisation est la clé pour garantir une égalité internationale entre les femmes et les hommes. Par exemple, aujourd’hui encore, les femmes sont plus souvent écartées des successions.
Cartographie réalisée par Claire Levasseur, fournie par les éditions Autrement.
L’autonomisation économique des femmes passe également par plus d’inclusion financière, rappelle Isabelle Attané. « L’accès et l’utilisation de services financiers formels (crédit, épargne, etc.) diffèrent entre les hommes et les femmes. » Sans inclusion financière, on ne peut pas prétendre à une autonomie économique : « elle facilite le quotidien en permettant d’investir dans l’éducation ou la santé, de financer l’achat d’un logement, le développement d’une activité ou de faire face à des imprévus) ». « Leur inclusion financière, précise Isabelle Attané, est limitée notamment par leurs revenus et leur niveau d'éducation qui, à l'échelle mondiale, restent inférieurs à ceux des hommes. Il arrive aussi que des femmes renoncent à ouvrir un compte au prétexte que leur conjoint en est déjà titulaire. Plus souvent cantonnées aux emplois vulnérables, notamment dans le secteur informel, et détenant en moyenne moins de patrimoine que les hommes, elles sont moins souvent en mesure d'offrir des garanties suffisantes lorsqu'elles sollicitent un crédit auprès d'une banque. »
Chaque année, au moment du #8novembre16h48, j’entends la même rhétorique : « ça va mieux », il faut se « réjouir des avancées. Je suis d'accord que l'écart de rémunération entre les femmes et les hommes à travail égal se réduit, pareil pour l’écart à équivalent temps plein. Pour reprendre les mots écrits en introduction de l’ouvrage de l’Atlas mondial des femmes, « Les avancées sont paradoxales parce qu’elles s’accompagnent de nouvelles formes d’inégalités, parfois plus subtiles car articulées à une rhétorique à la fois (faussement égalitaire) et différentialiste. Les inégalités sont justifiées par une nécessaire « différence des sexes » qui serait dictée par un “ordre naturel” ». Nous sommes en 2024, en France, et les femmes n’ont pas une autonomie économique égale aux hommes. Battons-nous pour que ce soit le cas.
*** Deux exemplaires de "Atlas mondial des femmes" sont à gagner. Si vous voulez participer, vous pouvez m'envoyer un mail avec ce que vous a inspiré la newsletter du jour. ***
Plus que 9 jours avant la date à laquelle les femmes devraient théoriquement s’arrêter de travailler à cause des inégalités salariales.
Trois chiffres permettent d’expliquer les inégalités de salaire en France.
13,9 %, statistique produite par l’INSEE et diffusée par Eurostat. C’est la différence de salaire en équivalent temps plein secteurs public et privé confondus et pour les entreprises de plus de 10 salariés. Cette méthodologie permet de rendre compte des différences au niveau européen. C’est la statistique qu’on utilise pour calculer le #8Novembre16h48.
4 % d’écart de salaire à travail et compétences égales : si vous continuez un peu la lecture, vous verrez que cette statistique est intéressante mais qu’on peut faire mieux et calculer la statistique à « compétences égales ».
23 %, statistique également produite par INSEE (l’année dernière elle était de 22 %). Il s’agit de l’écart sur l’ensemble des salaires perçus par les salariés dans l’année.
Pour info, ces chiffres datent de 2022 et ont été publiés cette année (il y a toujours un décalage).
À l’occasion du #8Novembre16h48, nous organisons un petit-déjeuner la veille à Paris pour dévoiler nos recommandations et les résultats de notre étude internationale sur la question. Si vous voulez participer, vous pouvez répondre à cet email et je tirerai au sort deux personnes.
Vous pouvez suivre le mouvement sur Instagram et sur Linkedin.
Liste de choses que je recommande
Si vous avez quelque chose à me recommander, une recette de cuisine, un podcast à écouter pour accompagner mon jogging, un livre à lire, nʼimporte quoi : je suis preneuse, il suffit de répondre à cet email !
En avant-première, la parution d’un premier chapitre du rapport #8Novembre16h48 dédié… à la Suède est
paru cette semaine dans La Preuve. On y apprend que « les professions dominées par les femmes en Suède sont moins bien rémunérées que celles dominées par les hommes, même lorsqu’elles nécessitent les mêmes niveaux de compétences, de formation ou de responsabilités ». Par exemple, « les sages-femmes gagnent beaucoup moins que les ingénieur·es civil·es, alors que les deux métiers sont très demandés et exigent des niveaux similaires de formation, de compétences, de responsabilités et des conditions de travail comparables ». La solution est géniale : arrêtons de parler de « travail égal » mais de « compétence
égale ».
À l’occasion du mois de sensibilisation au cancer du sein, je vous conseille cette association que vous connaissez sûrement, Les Seintinelles.
« Plus je vieillis et plus je trouve qu’on ne peut vivre qu’avec les êtres qui vous libèrent, qui vous aiment d’une affection aussi légère à porter que forte à éprouver. La vie d’aujourd’hui est trop dure, trop amère, trop anémiante, pour qu’on subisse encore de nouvelles servitudes, venues de qui on aime. » Cette sublime citation d’Albert Camus sur son amitié avec René Char était dans un des derniers numéros de la newsletter de Louise Hourcade.
Procès Mazan – « Beaucoup de femmes n’ont pas les preuves. Moi oui » : Gisèle Pelicot, debout face à eux.
Un message de notre partenaire, la Fondation L'Oréal
23 000, c’est le nombre de femmes qui ont bénéficié de soins de socio-esthétiques l’an dernier grâce aux actions de la Fondation L’Oréal.
Les soins de beauté et de bien-être, ou soins de socio-esthétique, sont des soins professionnels réalisés par des socio-esthéticien(ne)s spécialement formé(e)s pour accompagner des personnes en situation de vulnérabilité. Avec bienveillance et empathie, ces professionnels de la beauté inclusive leur prodiguent soins du visage, soins des mains et des pieds, modelages, maquillage ou coiffure.
« Prendre soin de soi, être en paix avec l’image de soi, se sentir belle n’est ni un luxe, ni superficiel mais un besoin auquel la Fondation L’Oréal souhaite répondre quand les épreuves de la vie ne le permettent pas. » Alexandra Palt, Vice-Présidente de la Fondation L’Oréal
Cet engagement depuis plus de 15 ans s’incarne également dans le salon de soins et de bien-être itinérant de la Fondation L’Oréal. Celui-ci parcourt la France depuis 4 ans à la rencontre de femmes en situation de précarité ou d’isolement, pour leur offrir un moment de bien-être dans des quotidiens difficiles. 3500 femmes de 60 zones prioritaires ou rurales en bénéficieront cette année.
|