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Ce lundi matin, dans les couloirs du bureau, on pouvait entendre la voix de Nassima. La veille, elle avait assisté à une scène assez commune pour un dimanche après-midi. Des parents se baladaient avec leurs deux filles, chacune juchées sur des rollers. L’une d’entre elle était pétrifiée, elle ne parvenait pas à bouger. Sa mère ne comprenait pas : « comment peux-tu être sûre que tu ne vas pas y arriver si tu n’essaies pas? ». Elle avait tellement raison la mama.

Le corollaire de la peur est évidemment l’échec. Et son essence est fondamentalement systémique. Si les filles ont peur de tomber, de ne pas y arriver, c’est parce qu’on le leur a appris. A l’école, lorsqu’on apprend que le « masculin l’emporte sur le féminin » (comment ne pas y comprendre « les garçons l’emportent sur les filles » ?), à la maison lorsqu’on est moins conciliante avec une fille qui court partout, dans la rue, au travail, dans l’espace public, partout.

8% des peurs sont absolument infondées. Et donc, dans 92% des cas, on a peur pour rien. L’humoriste Kee-Yoon Kim le raconte parfaitement dans son nouveau spectacle (écrit spécifiquement pour toute personne féministe ayant de l’humour).

Maya Angelou, poète et activiste américaine, a évidemment la réponse. Elle a écrit ces vers « pour tous les enfants qui sifflotent dans le noir en refusant d’admettre qu’elles et ils ont sacrément la frousse ».

« Les fauves rugissants et les animaux gluants ? Ils ne me font pas peur.

Les garçons de ma classe qui tirent sur ma tignasse ? Ils ne me font pas peur.

Être seule, le soir, dans ma chambre plongée dans le noir ? Cela ne me fait pas peur du tout. »

« La vie ne me fait pas peur » peut se lire à n’importe quel âge par toute personne qui aime qu’on « célèbre le courage en chacune de nous, jeunes et vieilles ». Ce qu’Angelou réussi parfaitement dans ce poème est de décrire la performativité des discours sur la peur. On a peur parce qu’on nous enseigne à avoir peur. Et son livre poétique pour enfants est la cure dont nous avons besoin. A tout âge.

La poésie en général d’ailleurs. Ecrite par les femmes, surtout. Plus que de faire de la politique, parfois. « Il semblait plus important de travailler en politique. Pour être d’ordre public. C’est Olga, une amie russe de l’autrice Anaïs Nin qui lui explique pourquoi elle s’est longtemps détachée de la poésie pour être journaliste politique. Anaïs Nin lui répond : « Mais comment peux-tu déterminer ce qu’est d’ordre public? Tu le définis comme le fait d’adopter un système politique plutôt qu’un autre, et de convertir tout le monde à cela. Mais le mois prochain, le système est corrompu et se désintègre. » (Journal (IV) 1944-1947) cet échange avec Olga. Alors que la journaliste, du fait des événements qui animent alors l’URSS, considère son travail comme vain, elle s’interroge sur l’essence de l’intérêt poétique. « Mais la poésie est en cause, elle aussi. Elle nous donne la force et la confiance indispensables pour combattre, pour endurer. Ne pensez-vous pas que vos poèmes donnaient aux ouvriers autant de volonté de vivre que des slogans politiques ? ». « Il faut bien que quelqu’un, lui répond Nin, fournisse l’oxygène pour contrebalancer les horreurs créées, inventées par les politiciens pour leur propre glorification (…) ».

Aussi, lorsqu’on a reçu le premier recueil de poèmes de Kiyémis, A nos humanités révoltées, nous savions que nous tenions un manifeste politique entre les mains. Et pour cause. Dans son poème, «Les Négresses sales », la jeune poète afro-féministe (et parfois contributrice à notre newsletter) clame :

« Regarde-nous danser,

Prendre

Toute la place.

Célébrer nos souffrances.

Glorifier nos résistances.

Raconter nos histoires.

Inoubliables.

 

Regarde-nous.

Dompter le vent.

Remplacer le ciel.

Regarde-nous.

Renverser le monde.

Et Devenir…

Devenir le centre de l’univers. »

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